S’il y a un film à aller voir ; actuellement ; au cinéma ; et sûrement dans un lieu d’art et d’essai ; c’est Her, le film Her avec Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson même si on ne peut pas voir les seins de l’actrice dans sa voix ; quoi qu’avec sa voix chaude, voix de gorge c’est peut-être le cas. C’est un excellent film, un très beau film et un film magnifique ; esthétiquement et en matière de réalisation aussi.

Que dire pour vous dire à quel point ce film est bon mais surtout à quel point ce film devrait vous plaire et vous parler parce que moi je l’ai aimé parce qu’il m’a parlé très fort, beaucoup. De prime abord Her est un film inclassable, et même quand on rentre dedans le film reste hybride ou transgenre pour détourner à sa juste valeur une expression très maltraitée par les médias. Her, c’est un film de science-fiction, mais de la science-fiction douce, soft science pour l’opposé à la hard science. Disons que c’est une uchronie lumineuse, douce amère doublée d’un film d’anticipation à très court terme de notre monde. Ce film raconte l’histoire d’un homme, Théodore Twombly, qui va tomber amoureux de son système d’exploitation, un OS intelligent qui évolue et s’adapte à son utilisateur. C’est donc de la science-fiction, mais Her est aussi et même surtout un film d’amour, un film sur l’amour, une réflexion sur l’amour, la nature humaine, la nature émotionnelle de l’amour et des sentiments. Un homme qui vit une relation sentimentale avec un système d’exploitation, c’est drôle, cela conduit à des situations comiques et le film est aussi drôle ; une comédie romantique devrais-je dire si je n’avais pas en horreur les comédies romantiques. Et puis, bien sûr, le film est traversé par une réflexion sur la virtualité, la technologie, le faux ; le fake, la retranscription des émotions au travers de la technologie de réseau et c’est pour cela, pour toutes ces raisons que vous devriez aimer Her et donc aller le voir.

La beauté de ce film tient autant à la luminosité de ses images qu'au charisme de Joaquin Phoenix qu'à la beauté de la narration

La beauté de ce film tient autant à la luminosité de ses images qu'au charisme de Joaquin Phoenix qu'à la beauté de la narration

Le film est beau, très beau, parce que le film est fidèle et sérieux comme devrait l’être un homme amoureux. Il repose sur une idée un peu folle, un peu bancale, un peu tordue, et effectivement ça l’est bancal, tordu et un peu fou de tomber amoureux de son système d’exploitation même s’il s’appelle Samantha et doublé par Scarlett Johansson. Mais le film tient sa bizarrerie initiale, il la respect et la traite avec sérieux tout du long ; bien sûr, parfois les scènes sont drôles mais jamais moqueuses et cela tient beaucoup à Joaquin Phoenix cet acteur solaire, extraordinaire, avec son aura de clown mélancolique qui irradie dans chaque plan. Il fallait bien cela pour rendre crédible, touchant et juste la relation amoureuse entre un homme et un système d’exploitation. Théodore Twombly est un personnage foncièrement gentil, humain, sincère, sans hypocrisie, désenchanté par une rupture douloureuse, amateur de jeux vidéo et de pornographie virtuelle et il est attachant, on s’attache à lui, on se reconnaît ; celui qui notre génération qui n’a jamais eu de relation virtuelle me lance le premier Poke. Et si un jour tu as eu un coup de cœur pour une personne que tu n’as jamais vu, si un jour tu as flirté sur les réseaux ; msn, sms, skype, téléphone, si un jour comme moi tu as dis je t’aime à une fille que tu n’avais jamais rencontré et que tu ne rencontra jamais alors tu ne peux pas ne pas éprouver de l’empathie pour Théodore Twombly. Et Joaquin Phoenix lui donne le corps et la justesse nécessaire pour que cette histoire soit belle ; réelle ; réaliste.

À sa manière le personnage de Théodore Twombly me rappelle le personnage de Vincent dans le jeu Catherine ; ce sont deux pierrots lunaires foncièrement bons qui sont happés par des relations sentimentales qui les dépassent et qui les emportent dans des lieux de leur personnalité qu’ils ne connaissaient pas. Et l’empathie fonctionne à l’identique - or dieu et mes lecteurs savent à quel point j’ai aimé Catherine justement pour la proximité du personnage de Vincent - et là justement c’est pareil. Dans Her les utilisateurs parlent à leur OS, leurs tablettes, leurs ordinateurs - ce qui facilite la mise en scène - et moi, pendant très longtemps, j’ai éprouvé et je crois que j’éprouve toujours une gêne par rapport à cela, le rapport oral à la technologie. Bien sûr je trouve amusant de parler à ma tablette pour lui demander de chercher une information, ou pour écrire un SMS mais si je trouve cela amusant c’est justement pour dissimuler que ça me met mal à l’aise.

Her c’est aussi et sûrement avant tout ; une exploration parabolique sur le langage, le sens des sentiments à travers le langage. Et donc aussi et sûrement surtout ; une parabole sur la vacuité du sentiment rendu caduc par sa reproductibilité. Samantha est une machine, enfin même pas une machine mais un logiciel et Samantha est capable d’apprendre ; singer ; reproduire ; se convaincre du sentiment amoureux parce qu’elle est une interface ; elle produit de l’amour à partir de rien ; elle produit du fake et cela fonctionne. En contre point de cette singerie amoureuse de synthèse il y a le rôle très intéressant de Théodore dont le métier et de rédiger de belles lettres manuscrites pour un site internet qui propose de rédiger à la place des gens de belles lettres manuscrites, lettres d’amours, de remerciement, de deuils, toutes sortes de correspondance. Et Théodore excelle dans son travail ; son travail ne consiste pas à rédiger la lettre manuellement mais à dicter à la machine les plus beaux mots possibles pour donner naissance à de superbes correspondances. Et c’est le cas, Théodore rédige des correspondances magnifiques et touchantes que l’on rêverait tous de recevoir ; mais comme Samantha son OS, Théodore produit du faux, sur la base de peu de choses il saisi et resitue l’esprit et l’essence des personnes. Là aussi il est question de dire que l’émotion se singe, se simule, ou alors, si l’émotion est sincère il est question de dire que l’émotion n’a pas besoin d’être originelle, d’être naît dans le corps de celui qui va la porter pour exister. Et, finalement il est naturel que Théodore et Samantha qui font la même chose tombent amoureux l’un de l’autre.

Je vous présente Samantha, l'amour de Théodore Twombly et personnage féminin principe de Her

Je vous présente Samantha, l'amour de Théodore Twombly et personnage féminin principe de Her

Mais je ne peux pas laisser penser que Her n’est que cette bluette que je semble décrire ; ce ne sont que les grandes lignes des principes actifs du film ; il y a d’autres choses, mais je ne voudrais pas déflorer le plaisir du film en en disant trop. C’est un film de science-fiction ne perdons pas cela de vu et il est question de voir comment une intelligence artificielle au contact de l’homme peu évoluer et vers quoi elle va évoluer. Il est question aussi d’un film d’amoureux et Her film merveilleusement bien les tournants torturés de cette relation si improbable mais tellement banale avec ses disputes, sa sexualité, sa sociabilité, sa normalité. Et le film suspendu à un fil invisible avance en équilibre précaire entre la normalité et l’anormalité créant une tension presque malsaine, invisible mais qui sous-tend le film.

On ne peut pas ne pas penser à HAL dans 2001 l’odyssée de l’espace et nécessairement cela fait grandir une tension ; Samantha et HAL peuvent-il avoir symboliquement un lien de parenté idéologique ? Le film va-t-il basculer dans un dénouement tragique ? Et puis on pense aussi nécessairement à Ghost in the Shell qui approche l’intelligence artificielle par le biais opposé et on se demande alors si le film va basculer dans un dénouement heureux. Et plus le film avance et plus on cherche en tant qu’homme, qu’humain et spectateur quel pourra être la porte de sortie de ce film et de cette relation amoureuse homme / machine. Est-ce avant tout un film de science-fiction et la solution de cette relation sera métaphysique ? Est-ce avant tout un film d’amour et la solution de cette relation sera émotive ? Est-ce avant tout un film hybride et la solution de cette relation sera étonnante ?

Il faut voir ; aller voir ; Her pour savoir. Et aussi parce que c’est un des plus beaux films de l’année à mon avis et sûrement un des meilleurs. Je pourrais continuer de vous en parler, parler de la mise en scène qui offre à ce film un cadre évanescent, une ville sans identité même si on finit par savoir que c’est Los Angeles, une ville graphique, une ville solaire. Il y a des scènes à la beauté simple, la scène où Théodore sort avec Samantha à la fête foraine ; scène qui vous saisit d’une émotion frappante par la beauté intense qui se dégage ou la scène de la plage qui brille de cette mélancolie amoureuse propre aux émotions sincères dont on sait qu’elles ne peuvent être qu’éphémères. Je voudrais tant vous parler encore de ce film vous parler du Petit Prince ou Des fleurs pour Algernon qui traversent Her et trouvent des échos avec lui. Mais vous devez aller voir ce film avant pour ne pas louper une perle et pour soutenir le bon cinéma.

On ne peut être qu'ému devant la présence d’un tel acteur ; personnage

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En plus pour les geek qui lisent ce blog le film intègre quatre scène où le jeu vidéo en tant que jeu vidéo, c'est-à-dire en tant que divertissement, est traité de façon intéressante je trouve ; simple et symptomatique et très drôle aussi, critique mais respectueux et moi j’aime quand le jeu vidéo fait intrusion dans de grandes œuvres avec de la justesse sur ce qu’il est.

Dépêchez-vous, je doute que le film reste en salle longtemps

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