Trois ans plus, comme pour les couples, mon blog a franchi le cap des trois années de vie commune avec moi et avec certains d’en vous. C’est officiel, ma relation avec ce blog est plus longue que la plus longue des relations que j’ai pu entretenir avec une femme ; ça me fout un coup. Trois ans et une seule seconde pour faire le constat d’un échec.

Nous avons échoué.

Je vous mets dans le même panier que moi et je mets ce panier sur l’eau comme cela, nous sommes tous dans le même bateau. À quoi avons-nous échoué ? À prendre le pouvoir, à prendre la liberté, à nos affranchir de nos dictatures et à forger le présent. Je me rappelle encore, comme si c’était hier ce soir d’il y a trois ans et quelques mois quand je me lançais dans l’aventure de ce blog. J’avais des idées plein la tête, mais surtout j’avais de l’ambition : je voulais croire possible de forger une culture. C’est beau l’ambition, c’était beau, c’était fort, c’était noble et pour ainsi dire digne. Rien de moins, rien de plus, j’avais ce feu sacré qui pousse les hommes à se lancer dans des défis fous qui sont souvent idiots - les défis autant que les hommes d’ailleurs -. Je me souviens du cœur et de l’esprit que je mettais dans mes articles, j’avais la pression, la peur de décevoir ; pas de décevoir le lecteur, mais de me décevoir moi, de décevoir mes ambitions.

Je voulais que ce soit littéraire, critique, éclairé et éclairant. Je voulais croire possible cette intuition qui me disait que nous étions dans le bon moment historique, technologique et culturel pour prendre en marche le train d’une sociologie des jeux vidéo et apporter ma pierre à l’édifice que j’espérais voir émerger. Pas de mon seul fait, mais du fait commun de tous ces passionnés qui comme moi, avec leurs expériences, leurs histoires, leurs subjectivités allaient défricher ce No man’s land culturel qu’est le jeu vidéo pour construire un appareil critique ou pour essayer de le faire. Chacun de son côté mais tous ensemble réuni dans un même mouvement, portés par une force soudre et plus grande que nous qui aller orienter nos proses.

Mais ça c’était avant pour reprendre le gimmick d’un vendeur de lunettes. Que sommes-nous devenus au final ? Nous ne sommes jamais loin d’être devenues des vendeurs lunettes ? Valons-nous bien qu’une blogueuse mode ou qu’un youtuber menant de front une chaîne de cuisine et de tuto jardinage ? Non, pas vraiment, pas réellement. Et pourquoi ? J’ai peur que ce soit par manque d’ambition.

Toutes les fées se sont penchées sur mon blog à sa naissance

Toutes les fées se sont penchées sur mon blog à sa naissance

Il y a quelques jours dans ma critique de Captain America 2 le soldat de l’hiver je faisais référence à un petit écart dans un test de Joypad que j’ai lu à mon adolescence Q-bert contre le flan au pruneau. Ce jour-là, je suis presque sûr qu’est née mon envie d’écrire sur les jeux vidéo. Mais je n’étais qu’un collégien timide à l’époque antique d’avant Internet. Mais l’idée resta là, chevillé au corps ou à l’esprit de l’adolescent que je devais. On évoquait parfois avec des amis l’idée de lancer un fanzine. Mais c’était peine perdue, nous étions sans amis, dans la campagne, bref sans lectorat. Quelques années après pourtant, à cette époque où je découvrais le cinéma, la critique de cinéma, époque durant laquelle je forgeais mon goût culturel avec les vidéoclubs, Mad Movies, Les Cahiers du Cinéma et quelques amis qui faisaient des études de cinéma, l’idée d’un fanzine a refait surface. 1997, 1998 on ne voyait pas dans les prémices d’Internet un débouché à nos proses, mais c’était l’époque où sans le savoir, nous forgions notre culture vidéoludique en inventant notre retrograming. Si  la Playstation et la Saturn étaient déjà là dans nos salons, nous jouions surtout Super Famicom, PC Engine, Neo Geo et ces expériences nourrissaient notre envie d’écrire sur le sujet. Il y eut un seul numéro de ce fanzine, même pas un numéro, mais plutôt une maquette, une version bêta, important c’est qu’elle a existé parce que nous avions des choses à dire .  

Vous voyez où je veux en venir. Je ne vais pas vous dire que c’était mieux avant seulement dire qu’à un moment nous - nous les joueurs de jeux vidéo, orphelins de termes comme geek ou gamer - avions envie de parler du jeu vidéo par l’angle de la culture, essayer de porter sur les jeux vidéo, ce que l’on apprenait à décrypter pour le cinéma : un regard critique étayé.

J’ai cru retrouvé cela quand j’ai découvert les blogues sur les jeux vidéo. Je me suis rappelé qu’à une période de ma vie j’avais des choses à dire sur les jeux vidéo et j’ai ressenti ce frisson en croyant être à l’orée de quelque chose. Je voyais tous ces gens qui écrivaient, que se lançaient, qui voulaient se lancer, c’était ce moment où dans la culture il y a synergie entre le support technologique, les utilisateurs arrivés à maturité et la matière culturelle elle-même qui atteint un seuil où elle est assez dense et épaisse pour être travaillée, modelée. J’y ai cru et j’ai échoué.

Nous avons échoué ; mais je ne vous en veux pas, je vous ai mis dans le même panier bateau que moi mais vous ne l’avez pas choisi et je vous comprends et je vous respecte. Mais moi, moi, le centre égocentrique de ce blog, le cœur palpitant et humain de l’ambition de ce blog, j’ai échoué. Je n’ai pas été fidèle à mes prétentions ni à mes espoirs.

Trois ans pour quoi ?

Trois ans pour cela ?

Elle est où la prose littéraire, transcendante et subtile ?

Ils sont où les articles de référence construits et éclairants permettant d’ébauche une problématique ? Un plan ? Une direction analytique ?

Pendant longtemps je me suis demandé pourquoi les éditeurs de jeux vidéo envoyaient leur production à des blogueurs. Je me posais cette question parce que même s’ils sont de bons blogueurs, honnêtes et sincères et travaillent bien et testent bien les jeux, ils ne sont pas de grands influenceurs, ce ne sont pas des prescripteurs de tendances. Alors pourquoi passer par eux pour communiquer sur leurs jeux alors que les éditeurs et les développeurs paient des fortunes des spécialistes de la communication et du marketing. Et j’ai fini par comprendre que le seul intérêt pour eux d’arroser ainsi certains blogueurs ce n’est pas pour récompenser leur talent, leur audience ou la finesse de leurs analyses mais simplement pour occuper l’espace médiatique. Les blogueurs ne sont ni plus ni moins que des hommes-sandwichs, des panneaux d’affichage sur lesquels chaque semaine, mois, jour, on vient poser son jeu et si on en pose sur assez de blogueurs le jeu en question occupe tout l’espace des réseaux pendant un instant. Qu’importe comment ils en parlent. J’ai conscience que je n’invente pas l’eau tiède en faisant cette prise de conscience, mais ça m’a aidé à réaliser pourquoi sur la masse des blogueurs jeux vidéo se lançant à la conquête du net si peu se lançaient à la conquête du sens.

Ce n’est pas une critique, c’est un constat, cela n’enlève rien aux qualités humaines des individus, c’est le système qui est bancal, phagocyté comme tous les écosystèmes de notre civilisation par la communication - et à travers elle par des enjeux de profits -. Et nous qu’avons-nous fait ? Nous sommes nous dressés contre celle logique mercantile ? Non, nous, nous n’avons fait que fuir.

Q*Bert tient curieusement une place de choix dans mon panthéon secret et personnel des jeux vidéo m'ayant marqué ; d'une part à cause de test Q Bert Vs Le flan au pruneau mais aussi parce que j'ai toujours été intrigué par son principe et son univers que je trouvais déjà WTF quand j'étais tout petit

Q*Bert tient curieusement une place de choix dans mon panthéon secret et personnel des jeux vidéo m'ayant marqué ; d'une part à cause de test Q Bert Vs Le flan au pruneau mais aussi parce que j'ai toujours été intrigué par son principe et son univers que je trouvais déjà WTF quand j'étais tout petit

Et moi ?

Et moi ? Et moi ?

Et moi ?

Oui, moi aussi …

Et pourtant je ne lâche rien, trois et trois mois et trois jours - enfin on va faire comme si c’était le cas pour que ça fasse joli - que ce blog vit à travers moi et quelques participations extérieur et malgré les hauts, les bas je continu de bloguer comme personne, c'est-à-dire comme moi, de bloguer un petit peu en marge de la logique du système, à côté des engrenages du système. J’avoue que la nouvelle nouvelle génération m’a mis un coup au moral. Un jour j’étais un joueur à la pointe de la technique, pouvant prétendre jouer aux dernières nouveautés - même si je ne le faisais pas toujours - et j’avais la sensation que cela me donnait une légitimité.

Et puis la PS3 et la XBox 360 ont abandonné le leadership de la modernité à la Playstation 4 et à la XBox One et moi, du jour au lendemain je suis devenu un joueur de seconde zone. Du jour au lendemain ou presque je suis devenu un joueur de retrogaming, moi qui suis en guerre contre ce terme et ce principe. Sincèrement je l’ai eue mauvaise, comme la sensation de faire avoir et de ne plus pouvoir parler en légitimité de jeux vidéo.

Mais je sais que c’est idiot, c’est absurde, mais disons que cette sensation est un dommage collatéral de ce système d’obsolescence programmé ; si on machine est programmée pour devenir obsolète est-ce un blogueur ne l’est pas lui aussi s’il ne franchi pas le cap de changer de matériel ? Pourtant une chose ne change pas, je n’écris que si j’ai la sensation d’avoir quelque chose à amener à la pensée collective, je ne blogue que si j’ai l’espoir de pouvoir éclairer quelques personnes de ma prose.

Je ne sais même pas pourquoi j’écris cet article. Ah si ! Pour l’anniversaire de mon blog, enfin son non anniversaire puisqu’il est né un 13 février 2011. Je crois que ce sentiment d’échec que je ressens clairement vis-à-vis des ambitions littéraires et culturelles de ce blog et de ma pensées - et cela même si je continu de bloguer et d’y prendre plaisir - m’on conduit à créer un nouveau blog, un second blog. Un blog qui au premier abord est bien plus simpliste que celui-ci :

Trash Culture : Sexe, Jeux Vidéo & Racolage
Tout est dans le titre ; le reste se trouve dans les images

C’est comme son nom l’indique un blog où je ne publie que des images ayant rapport aux jeux vidéo, au sexe ou au racolage c'est-à-dire à l’actualité, bref c’est juste une façon de surfer sur l’instant présent et de produire des articles sans avoir à me prendre la tête. Sous ses allures de blogue racoleur plein de vacuité j’essaie de mettre une pointe d’ironie, de sens ou de ligne éditorial à travers les titres, les hastags mais surtout en mettant en vis-à-vis certains articles comme celui sur Rohff qui surf sur le fait que le rappeur soit en garde à vue avec celui sur les jeux 5O Cent Bulletproof. Ce blog n’est qu’un jeu et un moins d’un mois d’existence j’ai déjà plus d’une centaines d’articles et je trouve ce jeu terriblement amusant et excitant. Comme une manière d’être provocant et idiot et de défouler une certaine frustration qui me permettra de produire de meilleurs articles pour ce blog là, le joyaux des blogs de jeux vidéo.

Amis, merci.

Lecteurs, merci.

Visiteurs anonymes, merci.

Depuis que je pense à cet article et à ce titre nous n’avons fait que fuir, je pense à ce morceau de Noir Désir qui clôturera à merveille ce morceau d’anthologie de mon blog.

Bon anniversaire mon blog !

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