Même si je peux taper à beaucoup de râteliers, il demeure que je suis quelqu'un de très sensible à la direction artistique d'un jeu réunissant dans un seul package, design, bande-son, atmosphères et ambiances. C'est bien simple, il suffit que je sois séduite par la bonne teneur d’une direction artistique et je suis capable de fermer les yeux sur moult défauts tels que des soucis techniques et de gameplay (à condition que le jeu reste jouable, il ne faut pas abuser). Tant mieux pour Alice Madness Returns car il comporte des failles sur ces deux derniers points. Entre la caméra capricieuse et la difficulté de pouvoir jauger les distances de saut (un brin embêtant pour un jeu de plate-forme) et une réalisation technique si vieillotte qu'on se demande si l'on est en fin de PS2 ou en début de PS3, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'un titre sexy sur le papier. Mais heureusement, Alice, c'est aussi – et surtout – une dimension artistique.

Je le dirais franchement, si direction artistique il n'y aurait pas, Alice serait un jeu relativement dispensable. Sa direction artistique c'est tout ce qui fait son identité, sa marque de fabrique, son atout principal pour rentrer dans les cœurs. Et rien qu'en une heure, le jeu de Spicy Horse m'aura envoûtée, subjuguée. Il m'a été d'ailleurs très difficile de lâcher la manette et ce, même si j'ai arrêté à un moment de rupture assez nette, à savoir l'arrivée au domaine du Chapelier. La fascination qui se dégage du jeu est telle que l'on est toujours à l'affût, les yeux écarquillés sur l'écran, à se demander où nous mèneront nos pas, dans quel territoire nous serons amenés à traverser. À quoi vat –il ressembler, qu’est-ce qui nous attend … Et surtout, de quelle manière le jeu va mettre à mal cette chère Alice Liddell.

Alice : Retour au pays de la folie ne démérite pas son nom, et ce, dès les premières minutes. C'est bien simple, à partir de la cinématique d'introduction au moment où le lapin perd sa tête dans une petite mare de sang, un sourire s'est dessiné sur mon visage. Ce sourire-même qui me hérisse le poil quant à moi-même et la bonne teneur de ma santé mentale. Il faut utiliser toute son empathie pour s'imprégner de cette folie. On n'est pas sur le modèle facile de « je suis un oiseau », c'est une folie qui met en lumière de façon exagérée toute la décadence humaine. La méchanceté, la laideur et la cruauté humaine, l'abomination de nos frayeurs les plus dantesques... et le sexe... Non le cul, l'approche sexuelle la plus vulgaire qui soit, mais celle qui nous monte à la tête pour nous transformer en infâme créature hybride entre humain et animal. Tout ce beau sommaire sert habilement de récapitulatif à l'épisode précédent pour ceux qui, comme moi, débarquent avec retard dans la licence. Il est scandé par les voix nasillardes d'individus cireux à la limite de la déformation faciale et de la vieille face de sorcière alors même que l'on se déplace dans un Londres sombre et victorien, il ne pouvait avoir meilleure entrée en matière pour se plonger de tout son être dans le bain.

Puis vient le moment décisif. L'entrée dans le cauchemar, ce monde où la folie créée de toute pièce par l'esprit meurtri et schizophrène d'Alice règne en maître. La tension se dégonfle comme un ballon de baudruche et le sourire monte encore plus haut en même temps que les étoiles surgissent des yeux. Les décors sont totalement sublimes. Le jeu a beau être moche (soyons honnête), il n'empêche qu'une véritable atmosphère se dégage. Le spectacle de la Vallée des Larmes s'offre à nous. Magnifique endroit mystérieux dont on a du mal à se détacher. Et pourtant inquiétant, presque lugubre d'un autre côté. Et que dire de l'ambiance sonore. Des violoncelles marquants : dérangeants, ils font tout bonnement froid dans le dos. Discrets et présents juste comme il faut. Et ce ciel, ces changements de teintes, passant du jour au flamboyant crépuscule (ou l'aube, difficile à déterminer). Fascinant, tout simplement.

Voici la fameuse introduction d'Alice retour au pays de la folie. J'avais oublié à quel point elle est - parlante - et dit tout du jeu

Si Margoth m’a proposé comme première résurrection une série d’écrits sur Alice Madness Returns c’est qu’elle sait que j’ai aimé le jeu au moins autant qu’elle. Et même si cela fait une petite éternité que je n’y ai pas rejoué j’éprouve le même plaisir à me rappeler, à lire les lignes de Margoth et à me replonger dans cette ambiance tant elle est prégnante qu’elle a laissé en moi un souvenir fort et puissant. J’avais notamment fait des intermissions, ces interludes londoniens jouables de manière réduite par les interactions, des passages parfaitement inutiles et donc hautement indispensables. Faire l’expérience de cette introduction, de cette errance initiale dans un Londres humide remplit de marins, d’ivrognes, de putes et de maquereaux est une expérience d’immersion immédiate. Et le fait de pouvoir jouer cette intro, c’est-à-dire s’y promener librement jusqu’à réellement entrer dans le jeu est une idée très forte. Rien que durant cette courte séquence on entrevoit les qualités du titre, son ambiance, comment il crée une tension, le contraste entre la finesse - et apparente fragilité - d’Alice Liddell saute aux yeux soulignant cette mécanique.

Et relire Margoth me donne envie d’allumer la console et de jouer à Alice Madness Returns. Et quand un texte me donne envie de jouer, je considère toujours que c’est un bon texte.

Premiers pas dans Londres pour Alice Liddell avant d'entrer dans son pays des merveilles sous effet de sa folie

Bienvenue au pays Alice & bienvenue à ta plume Margoth pour son retour de parmi les plumes mortes du net

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