Une critique non objective mais sincère

Une critique non objective mais sincère

Je pense pouvoir dire qu’avec Donjons & Dragons le jeu de rôle, Star trek la série et les premiers jeux vidéo aux pixels protozoaire, Star Wars incarne un des piliers sur laquelle la culture geek est née. Alors quand on a l’âge (à quelques mois de différence) de la première trilogie, que l’on aime la critique, que l’on tient un blog de jeux vidéo et que l’on baigne plus ou moins volontairement dans cette sous culture qu’est la culture geek critiquer le nouveau Star Wars c’est un sacré morceau.

Plus qu’une simple figure de style c’est entre le rite de passage, le graal, l’épreuve du feu et la catharsis parce que Star Wars en tant que concept culturel est un peu notre père, notre mère, notre épée de Damoclès et l’aiguille de la boussole sous laquelle nous avons grandi.

J’ai vu le film deux fois. En toute logique j’ai accumulé assez de matériaux critiques pour me lancer dans la rédaction d’un bon article et pourtant j’hésite encore sur la nature de mes propos. Juger, jauger et faire la critique de Star Wars : le réveil de la force je ne trouve pas cela facile. Pour une raison simple, c'est que je ne sais pas sur quoi baser ma jauge. S'il me faut critiquer le film en me basant sur le fait que j'ai apprécié ou non l'oeuvre je ferai une critique très positive parce que j'ai passé un très bon moment. Mais apprécier un film ne fait pas de ce film une oeuvre et encore moins un bon film. Et comme je le laissais sous entendre dans un précédent article, Star Wars en tant que concept c'est plus qu'un film ou qu'une saga cinématographique. Alors fonder une critique seulement sur un avis de spectateur ça me semble bien maigre. Confronter mon article à Star Wars épisode VII c’est essayer de trouver un point de vue qui embrasse tout le concept de la saga à travers ce nouveau prisme et je ne suis pas sûr d’être prêt à cela. Je dois trouver en moi le ressort d'un regard critique plus objectif que je ne parviens pas à faire émerger.

Comment juger une oeuvre qui n'existe que parce qu'elle est le fruit d’elle-même ?

Je vais essayer de prendre les éléments un à un afin de guider ma plume et dérouler les variations de mon avis ; quoi que non, mon avis ne varie pas, la vérité c’est que j’aime beaucoup cet épisode, je l’aime pour ce qu’il est et au sein de cet avis ouvertement positif et même enthousiaste, il existe en moi un regard critique qui écrit les nuances. Déjà, le premier point qui m’a séduit c’est la valeur visuelle et esthétique du film. Star Wars : le réveil de la force est beau. On reconnaît immédiatement la flore et la faune de l'univers Star Wars et on perçoit aussi immédiatement la patte de J.J Abrams dans sa mise en image. Il a eu le bon goût de limiter les images de synthèse et comme souvent dans ses films de mettre en avant les décors naturels et des effets mécaniques. En résulte une esthétique que j’aime où les grands espaces, la nature, cette nature que l’on connaît si bien sur Terre, se dévoilent à nous sous un jour énigmatique. Il y a souvent dans les films de J.J Abrams un rapport intéressant aux espaces naturels qui deviennent des lieux aux rapports de grandeurs impressionnants. Il possède cette forme d'art qui consiste à télescoper les éléments humains, technologiques, culturels et artificiels, avec la puissance archaïque des paysages, qui sont vecteurs de forces sauvages, de mystères ; de quelque chose de plus grand que l'homme au sens où clairement les espaces naturels chez J.J Abrams survivent à l'homme depuis le passé jusque dans le futur. La nature est plus qu’un simple décor, elle est présente, presque hostile, puissante.

On trouvait cela dans Lost mais c'était aussi en action esthétique dans son interprétation de Star Trek. Et le réveil de la force ne déroge pas à cette habitude, les espaces naturels posent des décors épurés mais puissants qui supplantent le génie humain. Pour preuve les épaves épiques de croiseurs et autres AT&T qui sombrent dans le sable. Ou, au risque de spolier (bien que je doute que les spectateurs vierges lisent des critiques), la Star Killer gigantesque évolution du principe d'étoile de la mort est une planète ; c’est comme si la nature avait phagocyté la technologie de l'empire pour la sublimer. Ce rapport d'échelle et de puissance entre la nature et le reste de l'univers crée des images fortes, porteuses d'un souffle épique à la limite du baroque. Le soin porté à cette esthétique naturelle crée le contraste nécessaire pour provoquer et emporter l'émotion du spectateur. Quand le film dévoile un escadron de X-wing rasant l'eau d'un lac qui reflète un soleil chatoyant en train de se coucher, c'est beau. Le spectacle est beau et le spectateur est ravi.

Ces images réalistes, naturelles, sont léchées, ouvertement maîtrisées et peut-être parfois tellement léchées qu'elles frôlent le lisse. C'est un flirt, un jeu dangereux qui se poursuit durant toute la projection, le film est toujours à deux doigts de n'être qu'une sublime coquille vide. À mon goût il échappe à cet écueil mais je reviendrai là-dessus plus tard. Il s’en échappe parce que l'image est généreuse, elle donne beaucoup à voir. Elle sert l'univers avec maestria en donnant à voir tout ce que le spectateur désire voir, et même oublier. L'image joue la carte de l'honnêteté, car elle essaie toujours d'être réaliste dans ce qu'elle laisse voir.

Oui, le film est beau mais que dire du duo scénario et narration ? C'est une autre question qui s'adjoint d'autres enjeux que ceux qui sont à l'oeuvre dans l'image. Le scénario est un classique, simple et connu, reconnu par les fans, les connaisseurs et les critiques, c’est presque une redite, en tout cas c’est un fort grand hommage, et très fidèle à l’original l’hommage … L’histoire transpire l'esprit Star Wars, dans un classicisme caricatural où le méchant est méchant, le gentil est gentil et la rédemption des âmes perdues est possible.

Rien de nouveau sous les soleils et les lunes d'une lointaine galaxie, des héros novices, en quête d'eux-mêmes et de rédemption, un plan secret détenu par un droïde, un ennemi qui détient une très très grosse arme stellaire et des héros débutants, perdus, qui vont rejoindre la résistance pour lutter contre les méchants et détruire la grosse grosse arme de l’espace. Ce n’est pas du spoil puisque ce scénario c’est grosso modo celui de l’épisode IV. Alors on peut critiquer le film pour cela, voir dans ce fait une faiblesse flagrante pour un tel film. Un tel battage, de tels budgets, une telle communication pour ça ? Oui on peut se dire cela, j’entends ceux qui le pensent mais ce n’est pas ma façon de penser. Personne n’est dupe, sûrement pas les producteurs et surtout pas J.J Abrams qui est tout comme nous un fidèle fan de la série. De ce fait je me refuse à penser au plagiat, je vois cela différemment. Star Wars : le réveil de la force, reprend la saga là où elle est naît, je ne sais pas si c’est un épisode de transition comme on peut souvent le lire, pour moi cet épisode VII est un message de J.J Abrams pour dire aux fans et aux spectateurs ; je vous comprends, je connais l’histoire de l’univers, pour preuve on va reprendre les choses depuis le début.

Même si la comparaison peut sembler inopportune parce que la situation est différente, ce Réveil de la force me fait penser à Mad Max Fury Road. Dans le cas de Mad Max c’est George Miller lui-même qui a repris les rênes de son œuvre pour lui offrir la renaissance rendue possible par l’avènement de certaines nouvelles technologies. Pour moi Star Wars : le réveil de la force est dans la même logique, même si chronologiquement le film est une suite dans son esprit il n’est pas réellement une suite, pas plus qu’une préquelle, c’est plutôt une renaissance, un renouveau, une nouvelle naissance et pour paraphraser le titre c’est tout simplement un réveil ; un peu comme si Star Wars était né trois décennies trop tôt et qu’il s’offrait aujourd’hui la naissance dont son papa a toujours rêvé. C’est en cela que pour moi il n’est pas le plagiat paresseux que l’on peut lui reprocher d’être. Penser le contraire c’est supposer la naïveté de J.J Abrams alors qu’il s’évertue à nous dire qu’il nous comprend et qu’il va nous parler.

C’est tout l’intérêt du film et sa limite si vous espériez un épisode ex nihilo. Star Wars : le réveil de la force est l’opposé d’un film ex nihilo, on peut certainement l’apprécier sans avoir vu les films précédents bien entendu, mais le film délivre toute sa saveur quand le spectateur est abreuvé des anciennes trilogies. Tout comme l’on peut reprocher au scénario de n’être qu’un plagiat de l’épisode IV, on peut reprocher au film de n’être qu’un énorme exercice de fan service, un vaste self-service où le fan va piocher la came de sa nostalgie. Encore une fois que ce soit le cas ou non, personnellement j’ai apprécié. J’ai même été surpris d’être touché par cela parce qu’à la base je me pensais imperméable à cette démarche. Mais j’ai eu un vrai frisson à l’apparition du titre alors que lors de la sortie de la seconde trilogie je n’avais été qu’un simple spectateur ; et quand les anciens personnages réapparaissent sur l’écran je n’ai pas pu refouler un pincement au cœur, une larme est même remontée pour s’écraser sous ma paupière. Pas tant que je sois nostalgique des anciens personnages, pas tant que je sois fan de ces personnages là non plus, c’est juste que J.J Abrams a parfaitement réussi à intégrer le temps passé, l’âge et le poids du passé. Si cela ne se ressent pas sur la nature scénaristique du film avec son côté rebirth et ses images léchées tellement postmodernes, les traces du temps, la patine du temps imprègnent à la perfection la présence des anciens personnages. Ils sont là, et ils ne cachent rien de l’emprise que le temps a eu sur eux. Ils sont encore là.

Malgré les années, par delà la seconde trilogie qui a fait le choix de se centrer sur leurs genèses et leurs ascendances, ils sont enfin là comme des figures paisibles et familières que l’on peine un instant à reconnaître et qui soudain se révèlent à nous à la lumière de cette divine patine du temps. J’ai trouvé les scènes où les anciens personnages apparaissent terriblement touchantes ; Carrie Fisher, Mark Hamill et Harrison Ford sont de beaux vieux qui assument ce qu’ils sont devenus et je suis désolé mais moi ça m’émeut. Rien qu’en écrivant ces mots, en pensant à ces jeunes figures glorieuses et héroïques du passé qui reviennent sans pouvoir cacher qu’ils sont devenus vieux, marqués par la vie et le temps. C’est comme regarder de vieilles photos de famille et réaliser soudain en regardant ces images de nos parents jeunes que nos parents sont désormais vieux, même si nous les voyons toujours avec nos yeux d’enfants. Par delà les dialogues souvent succincts, les scènes qui réunissent Leia et Han Solo me foutent les poils. Et à chaque fois qu’un élément du passé est confronté à son âge, dans un moment de modernité de cette saga de science fiction il y a de l’émotion. Cette émotion n’est pas mélancolique et le film n’est absolument pas nostalgique, à aucun moment il émet l’idée que c’était mieux avant, à aucun moment le film ou le réalisateur nous laissent penser qu’il faut regretter ce qui a eu lieu avant. Non, c’est juste émouvant parce que justement le passé est là tel qu’il est, tel qu’il doit être, il se montre simple encore actif, mais pas dupe de son âge. Moi ça me touche et pour moi c’est une des belles réussites du film.

Le film est tel qu’il est, il possède des forces et des fulgurances, souvent formelles et esthétiques. Il possède aussi des carences, surtout en termes de scénario, de dialogue et de narration. On ne peut nier ni les unes, ni les autres. Et une critique objective devrait trancher sur cette base ; je devrais sûrement mettre dans la balance des personnages inégaux parce qu’encore incomplets et une mise en scène que j’ai trouvé très bonne et juste dans son rythme. Et conclure que le film est bon mais bancale. Mais si je dis cela je trahi mon ressenti. Parce que mon ressenti est enthousiaste, j’ai aimé ce film et j’en suis sorti avec la frustration de ne pas pouvoir encore voir l’épisode VIII. C’est sûr qu’aujourd’hui nous critiquons Star Wars : le réveil de la force avec dans notre escarcelle critique déjà six films dont la plupart on bercé la jeunesse et la genèse de notre imagination. C’est pour cela qu’avoir une critique objective et rationnelle de ce film me semble difficile à la limite du contre sens. Il y a les éléments factuels qui constituent le film et puis il y a la Force, la façon dont chacun perçoit cette énergie inhérente au cinéma pour que nos esprits reconstituent les images fractionnées en une animation fluide qui conduit chacun à éprouver quelque chose qui lui est propre ; enthousiasme, nostalgie, frustration, ennui, que sais-je encore.

On ne peut pas juger et jauger de Star Wars : le réveil de la force sans le concept culturel Star Wars, ni les vécus que nous avons généré au contact de cette saga ; chaque génération a vécu la réception de sa trilogie, avec une forme technologique et un esprit du temps différent. La cohérence esthétique de cette saga est sûrement le point qui me pose le plus de question. La saga est née il a presque 40 ans et elle a imposé dès le départ une vision précise du space opéra. Le premier film a défini une esthétique spatiale qui était le fruit d’une équation simple où les deux variables étaient l’imagination de George Lucas et les contraintes techniques et économiques du réalisateur. Aujourd’hui nous sommes donc quasiment 40 ans dans le futur depuis la naissance de Star Wars, et les moyens techniques et financiers de J.J Abrams pour réaliser ce film sont à des années lumières de ceux qui étaient à la portée de George Lucas. Et pourtant, Le réveil de la force se doit de respecter cet imaginaire et ces canons esthétiques qui se sont figés il y a 40 ans. Du coup rien ne change, pourtant tout change ; même si J.J Abrams s’efforce de conserver l’esprit des effets d’époque, le changement est impossible à refréner. Un stormtrooper reste un stormtrooper, on le reconnaît immédiatement pourtant, à la qualité de l’image,à sa résolution, à la manière de filmer et même dans les détails du design on perçoit le changement, la différence. Ce qui faisait, entre autres choses, le sens de l’esthétique des premiers films c’était une forme d’effets spéciaux identifiables comme factices mais auxquels les spectateurs adhéraient parce qu’ils étaient emportés par le souffle du film. Quand la seconde trilogie est sortie, ses images de synthèse sentaient le faux, c’était comme une évidence évanescente à l’écran, en regardant la seconde trilogie nous sommes devant des effets faux, des effets spéciaux qui ne jouent pas sur l’effet de réalité mais sur le spectacle, comme dans la première trilogie.

Mais voilà, avec la finesse technologique de cette décennie, voire de ce siècle, aujourd’hui un animateur est capable d’intervenir sur une image réelle sans la dénaturer. C’est comme ça que nous nous retrouvons devant une esthétique que l’on a connue comme fausse mais qui là nous apparaît avec un effet de réalité. Rien n’a changé, les droïdes sont des droïdes, les lasers toujours des lasers et les vaisseaux sont toujours les mêmes et pourtant quelque chose semble avoir changé, et ce qui change je me demande si ce n’est pas cet effet de réalité qu’offrent les moyens actuels. Ajoutez à cela le goût de J.J Abrams pour les décors naturels grandioses et vous aurez sous les yeux un film fidèle qui respecte ses origines au point parfois de donner l’impression de les plagier mais aussi un film où l’image virtuose dans sa conception et sa réalisation qui offre au spectateur un imperceptible changement qui est en germe une vraie mutation de la saga d’une science-fiction fantasmatique vers une science-fiction réaliste.

Tout change, rien ne change ; un profane, stormtrooper en quête de repentance, qui manie le sabre laser, une jeune femme sensible à la Force, la noirceur du Premier Ordre qui s’exprime sans fard, un méchant qui n’hésite pas à retirer son masque et à dévoiler non pas son côté obscure mais ses traits ingrats, tout change et rien ne chance. Le film est à la fois un hommage et une nouveauté, une suite et une renaissance,  chacun est libre de voir ce qu’il désire dans Star Wars : le réveil de la force, moi je ne suis pas très malin, pas très imaginatif, dans ce film je vois le réveil de la force et sincèrement ça me plait beaucoup. Je ne savais pas comment allait s’écrire cette critique en me lançant dans sa rédaction et voilà, après quatre pages je suis là à vous dire que ce film est bien. Je ne sais pas si j’ai réussi mon épreuve de passage, mais j’ai fini ma critique. Je ne sais pas si elle sera utile à quelqu’un, mais elle a le mérite d’être sincère.

Que la force soit avec vous.

Merci.

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Tout change ...
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... rien ne change
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