Ébauche d’un projet d’écriture
02 mars 2016Cela fait quelques temps maintenant que je consacre du temps à l’écriture, à différentes formes d’écritures comme le roman, la nouvelle ou la poésie et à différents exercice de style. Je suis un homme qui a besoin de se poser des contraintes à affronter, surmonter ou détourner pour donner le meilleur de lui-même ; ce qui n’est malheureusement pas une garantie de qualité mais ce n’est pas la question. Durant le temps que j’ai consacré à l’écriture je ne me suis encore jamais confronté à l’écriture du genre fantasy. D’ailleurs j’ai lu très peu de fantasy et finalement en tant que rôliste j’ai assez peu joué de fantasy comparé au reste des univers explorés.
Pourtant, depuis quelques temps j’ai une idée qui me trotte dans la tête et il ne me manque que peu de chose pour que cette idée devienne un projet auquel je pourrais m’atteler dans l’idée d’en faire un quelque chose de concret. Mais plus qu’une idée ou qu’un projet, cette envie en moi c’est avant tout une nouvelle contrainte d’écriture que je voudrais m’imposer.
Il parait qu’un bon projet est un projet qui se pitch bien, alors si je devais résumer le mien je dirais que j’ai envie d’écrire des briques de fantasy. Sauf que le terme brique il risque de ne parler qu’à moi-même et aux quelques maçons égarés sur ce blog. Ce que j’ai envie d’écrire ce sont de très petits objets d’ordre littéraire qui baignent dans la fantasy et qui ne seraient pas nécessairement raccords les uns avec les autres. Chaque semaine je m’imposerai un thème et autour de ce thème je tâcherai de produire au moins un texte et ainsi de suite semaine après semaine avec dans un coin de ma tête l’idée que ces briques, pareilles à des touches de peintures impressionnistes, fassent émerger un univers ou une ambiance.
Ce qui m’intéresse dans cet exercice c’est de me concentrer sur les détails, faire des zooms, isoler des éléments. Je ne cherche pas à créer un monde entier, ni un univers, je veux mettre en lumière de petites choses et voir si l’ensemble de ces petites choses peuvent former un tout. Si je m’impose comme thème les espaces urbains l’enjeu ne sera pas de créer des villes, mais des quartiers, ou mieux encore des bâtiments. Je cherche vraiment à explorer une forme de création fractionnée, fragmentaire et lacunaire dans laquelle les trous, le hors texte, agirait comme un hors champ pour donner du corps et de l’intérêt au projet. Je n’ai pas encore défini la forme littéraire que cela prendra mais je voudrais aussi que ces briques de fantasy soient génératrices d’idées de narrations inspirantes à défaut d’être forcément originales. Oui, j’imagine ces objets littéraires comme de minuscules aides de jeu pour meneur ou joueur d’univers fantasy en manque d’inspiration.
J’ai découverts récemment les jeux de rôle génériques dont la mécanique est basée en partie sur la narration comme Fate ou Dungeon World. J’ai tout de suite été séduit par la fraîcheur et le dynamisme de ces jeux. Mais j’ai réalisé que lorsque je devais improviser des évènements ou des détails à la volée j’avais tendance à rapidement tourner en rond ; j’ai besoin pour me sentir à l’aise dans un jeu de bien m’imprégner de l’univers avant de me lancer, mais dans ces jeux où l’univers se dévoile au fil de l’aventure avec les joueurs je suis hors de ma zone de confort. Et c’est un peu pour palier à cela que j’ai eu cette idée d’ébaucher de minuscules aides de jeu qui pourraient m’aider à sortir des lieux commun et des caricatures.
Il y a deux autres choses qui ont influencé mon envie de me lancer dans ce projet d’écriture fractionnée ; c’est ma grande consommation d’image et la lecture et la redécouverte des jeux de rôle fondés par des tables aléatoires de créations de personnages / aventures / adversités / trésors / monstres / etc.
Alors que je trouvais l’aléatoire dans la création totalement has been durant mon adolescence, je le redécouvre avec un regard neuf et je trouve que le hasard est un bon générateur d’aventure et d’inattendu . Et je réalise que souvent quelques mots inscrits dans une table aléatoire suffisent à insuffler une grande aventure et une ambiance forte là où mon esprit s’embourbe rapidement dans des formes attendues et éculées.
Pour les images disons que c’est de la jalousie ; je consomme, collecte, compulse beaucoup d’images sur la toile parce que je trouve cela inspirant. Et en tant qu’amateur de mots je trouve injuste ce principe qu’une image vaut souvent plus qu’un texte pour évoquer une scène, un personnage ou un lieu. Et ce projet, c’est secrètement mon défi de proposer des textes courts qui puissent se consulter comme une image et qui soient aussi inspirants.
Je sais donc que je veux travailler sur une forme fractionnée, avec des textes très courts, autour de thème liés à la littérature fantasy et bien sûr mener ce projet sur le long terme afin de générer un nombre sérieux de ces briques. Et c’est là que j’ai besoin de vous. J’ai besoin d’aide et de conseils afin de mieux définir la forme finale de ces textes.
Déjà j’aimerai savoir si un tel projet pourrait vous intéresser comme lecteurs et peut-être même me dire quels sont les thèmes autours desquels vous voudriez lire. Et même si cela vous intéresse comme auteur, si ça vous direz de proposer quelques textes si jamais le thème vous inspire.
Ensuite ma principale interrogation c’est sur la longueur … je sais que je veux une forme courte. Je veux aussi que tous les textes aient plus ou moins la même taille et la même mise en page mais je ne sais pas laquelle. J’ai imaginé des textes très courts en 50 mots, une forme lapidaire et lacunaire par essence, qui me forcerai à aller à l’essentiel mais qui risque de plus ressembler à une liste de mots clefs qu’à un texte. Ensuite j’ai imaginé des textes courts autour de 250 mots ou de 1500 signes, qui me permettrait de développer une ébauche de style tout en restant concis mais j’ai peur que ce soit un format bâtard entre une forme étendue et une forme ramassée. Et puis j’ai forcément pensé à une forme plus longue peut-être 5000 signes avec laquelle je pourrais sûrement faire plus d’écriture mais j’ai peur de perdre l’attention du lecteur, surtout s’il y a plusieurs textes à lire. Entre 50 mots et 5000 signes évidement que je peux tout envisager, même mixer les formes et associer par exemple un texte de 50 mots à une fiche plus explicative.
C’est pour décider de cela que j’ai besoin de vos avis. Sachez que naturellement, j’ai tendance à toujours faire trop long, et plus c’est long et plus c’est lourd et souvent mauvais, donc je sais que j’ai intérêt à me restreindre. En plus une forme plus courte me permettrait de faire plusieurs textes dans une même semaine. Ce projet c’est avant tout pour moi un exercice d’écriture, je ne compte par réinventer la roue, ou découvrir l’eau tiède, je veux juste former ma plume et mon esprit à écrire dans un style et un genre que je ne connais pas.
Ensuite j’ai aussi besoin de conseils pour savoir comment partager ces briques / textes. D’une part pour avoir des retours critiques et faire avancer mon écriture. Et d’autre part, si ces briques / textes me sont utiles pour broder de l’imaginaire je me dis qu’ils seront peut-être utile à d’autres et que ça serait sympa de partager. Idem si d’autres personnes veulent écrire pour le projet il me faudrait un moyen de réunir et partager les textes ; à terme pourquoi pas un pdf, mais avant je ne sais pas, un blog, une page Facebook, un site, un google doc, que sais-je ? Qu’en pensez vous ?
Voilà donc l’état actuel de mes idées pour ce projet (ainsi que l’exemple qui démontre que j’ai naturellement l’habitude de faire des textes trop longs, surtout pour un blog) :
- Des textes courts dont le format n’est pas encore défini
- Une contrainte d’écriture rigide
- Des thématiques en lien avec la fantasy qui changent régulièrement
- Une écriture lacunaire et stimulante pour l’imaginaire
- Et parvenir à partager cela avec des personnes intéressées
Voilà mes nobles intentions. Mais je n’oubli pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions … je compte sur vos conseils pour définir le format de mes textes et avec un peu de chance la semaine prochaine je commence.
Pour finir, pour les curieux, pour les courageux et pour les autres j’ai fais trois petites variations sur un même texte autour d’un dieu oublié dans trois format différents. Ils se trouvent juste après l’illustration. Pour ma défense je précise que ce sont trois variations d’un texte qui était un peu plus long au départ, donc ces variations n’ont pas été pensées avec le format envisagé ce qui a son importance je trouve.
Silhouette monolithique, une embarcation fend le silence stellaire. Voiles en étoffes élémentaires, broderies divines ; ténèbres & lumière. Elle avance telle l’éclipse. Silhouette mutique détentrice du secret de son exil ; dieu oublié, voyage trop long, amnésique, corps érodé par les poussières d’étoile. Panthéon déchu ? Une Foi perdue ?
Un essai en 50 mots
Une silhouette monolithique se tient à l’arrière d’une barque qui fend en silence l’espace stellaire. Elle avance depuis des siècles qui sont ses heures. Quand on observe l’embarcation qui transporte cette ombre d’une éternité à l’autre, on perçoit une voile qui tracte la barque comme un cerf-volant en forme de demi-cercle, une moitié de soleil les jours d’éclipse. Cette toile a été tissée avec les filaments d’un plan élémentaire de lumière. La voile parsemée de rayons irradie une lumière chaude. Parfois elle claque au vent et s’effiloche en résidus qui toment comme des rayons orphelins.
Le regard distingue ensuite une autre voile en forme de demi-lune, couleur de ciel nocturne. Elle a été tissée avec les fibres volées au plan des ténèbres ; voile parsemée d’étoiles vagabondes et d’obscurité cristalline comme celle qui baigne les nuits d’hiver. Le tissage des magiciens mille fois disparus depuis, ne résiste pas à l’errance et s’effiloche laissant échapper des lambeaux de ténèbres aux hasards du hasard.
A son bord la silhouette détient le secret de son exil. Il se rappelle être un dieu, ce voyage dur depuis de si longues éternités qu’il a oublié le reste. Il n’est plus qu’une ombre érodée par la poussière d’étoile qui s’interroge sur son origine. Ça le mène vers les légendes humaines, il explore les temples, s’enfonce dans les ruines espérant trouver une réponse. Si on s’oppose à sa quête il devient un ennemi redoutable capable de façonner la terre par la force volonté.
Un essai en 1500 signes
C’est une silhouette monolithique qui se tient droite, debout à l’arrière de ce qui semble être une barque gigantesque qui fend en silence l’espace stellaire. Avec ses dimensions épiques, elle vogue depuis des siècles qui sont ses heures, et à son bord une silhouette immobile scrute l’infini qui s’étend devant elle ; cherche-t-elle un point précis parmi l’immensité ou a-t-elle perdu le cap qu’il y a une éternité elle s’était fixé ? Personne encore ne le sait.
Si l’on scrute l’embarcation qui transporte cette ombre d’une éternité à l’autre, l’œil perçoit sous la coque taillée dans l’unique bloc extrait d’une montagne millénaire une voile horizontale qui tracte le vaisseau de pierre comme un cerf-volant. Elle a la forme élancée d’un demi-cercle, une moitié de soleil comme les jours d’éclipse. Elle est si vaste et lumineuse que l’on peut la confondre avec l’astre solaire du royaume qu’elle survole. Cette toile a été tissée avec les filaments du plan de la lumière ; grande voile parsemée de rayons chatoyants qui irradient de lumière chaude. La voile est maintenue par de savants assemblages de métaux et de chaînes, mais quand elle vole, claque et vibre, elle effilochant siècle après siècle en petits lambeaux d’étoffe lumineuse qui se perdent dans l’immensité puis qui choient comme des rayons orphelins de leur soleil. Parfois des êtres se battent pour détenir un peu de ce pouvoir brodé par des mains divines et abandonné aux hasards d’une errance qui les dépasse tous.
Lorsque le regard s’habitue à la lumière il distingue une seconde voile identique mais qui se trouve au dessus de l’embarcation. Elle a la forme d’une demi-lune et la couleur d’un ciel nocturne. Elle a été tissée avec des fibres dérobées au plan des ténèbres ; grande voile parsemée d’étoiles vagabondes et d’une obscurité cristalline comme celle qui baigne les nuits d’hiver. Le tissage expert des magiciens mille fois disparus depuis, ne résiste pas à l’errance et il s’effiloche aussi doucement laissant derrière lui des lambeaux de ténèbres. L’étrange embarcation traverse lentement et en silence l’espace lointain et parfois elle vole dans des cieux abritants des terres habitées où l’histoire des peuples voit un signe mystique.
Entre ces deux voiles, dans le creux de la barque nimbée de lumière et d’ombre, la silhouette mutique et immobile détient le secret de son exil, de sa folie et de ses doutes. Il se souvient être un ancien dieu. Mais pour le reste, son voyage dure depuis de si longues éternités, qu’il a fini par tout oublier. Autrefois son corps était sculptural, il se tenait à la proue de son vaisseau de pierre et ses muscles saillants dessinaient des ombres et des reliefs sur l’anatomie bleutée de sa chair divine. Ce soir il est ce corps érodé par la poussière d’étoile qui inlassablement le frôle, le fouette et le façonne d’usure. Le temps cosmique a effacé ses traits et son identité, mais il reste pourtant impressionnant. Du haut de ses trois mètres l’esquisse de son portrait surplombe ses pas. C’est n’est plus qu’une ligne fine à peine perceptible qui dessine son regard et une autre qui traverse la forme oblongue de son visage pour y fendre une bouche mince. Il est entièrement nu, entièrement lisse, cet être qui ne dort jamais se demande sans répit qui il peut être.
Est-il le dieu d’un panthéon déchu, unique survivant d’une croisade à mort contre une foi perdue ? Le dieu amnésique est-il un dieu en déshérence, le fils de la lumière ?ou le fils de la nuit ? Est-il le bâtard illégitime de l’union éphémère de la lumière et de l’ombre ? Il ne sait pas si un jour il l’a su ni s’il s’en souviendra au futur. Il y a si longtemps qu’il est emporté par la beauté rugueuse de son vaisseau biplan qu’il n’y a plus que le doute qui résiste à l’effacement du temps.
Quand il croise la révolution d’une planète où une forme de vie a germée avec ses mythes et ses légendes il y accoste. Le fracas de son embarcation attire toujours des êtres vivants nourris d’histoires qui annoncent sa venue comme un présage ; le dieu oublié, le dieu amnésique, le voyeur solitaire, le fils de l’aube et du crépuscule, les légendes varies, les religions aussi et les mondes changent mais lui il est toujours en quête d’une même et unique réponse. Il explore alors les temples antiques, s’enfonce dans les ruines, plonge au plus profond des anciennes légendes espérant quelque part trouver un sens à sa vie.
Si l’on s’oppose à sa quête il devient un ennemi féroce armé du pouvoir d’un dieu. Il est capable de façonner la terre et la pierre par la force de sa volonté. Il peut ériger des montagnes, creuser des vallées et faire jaillir du sol temples inouïes et murailles infranchissables qui perdureront des siècles après son départ. Mais si les vivants parviennent à le convaincre qu’ils détiennent une clef de son mystère, s’ils prétendent posséder une part de son histoire alors le dieu solitaire devient un allier fervent, aveuglé par son désir de croire qu’une réponse existe.
Il espère retrouver le fil infini de sa vie.
Un essai en 5000 signes