Faire ses classiques ; Assassin's Creed
27 nov. 2012Être un assassin ; un classique du jeu vidéo, redevenir un tueur le jour où le Point.fr publie un torchon diabolique sur le jeu vidéo et la violence qu’il implique je trouve que cela prouve que la vie est une insolente avec le sens de l’ironie et je l’en remercie. Parfois au lieu d'être juste un gamer, je me sens l'âme un bon élève, appliqué et motivé qui a ce titre doit faire ses classiques du jeu vidéo pour ne pas passer pour un con. C'est comme cela qu'un jour je me suis faits Uncharted et c'est comme cela que je m'étais dit il y a longtemps maintenant que j'allais me faire Assassin's Creed premier du nom.
Mais voilà la bonne volonté parfois est insuffisante quand il s’agit de faire ses devoirs, d’autant plus que la métaphore scolaire a ses limites, qu’il s’agit de jeu vidéo et que je joue avant tout pour moi, pour mon plaisir et que si je n’en prends pas je préfère arrêter. C’est ainsi que j’ai rapidement laissé tomber Assassin’s Creed sans avoir de remords. Mais peut-être que les jeux vidéo et la littérature ont en commun que certaines œuvres nécessitent que le joueur / lecteur soit suffisamment mûr pour les apprécier. C'est pour cela qu'il m'arrive de laisser une seconde chance à des jeux que je n'ai pas aimé. Je suis donc retourné depuis hier sur Assassin’s Creed et mon impression est mitigée.
Le jeu et je suppose toute la saga possède une énorme qualité, une qualité évidente, envoûtante, fondamentale, indiscutable c'est la puissance de son dépaysement ; qui repose sur une direction artistique remarquable de finesse et de précision servie par un level design en parfaite osmose avec l'esthétique du jeu. Je l’avoue évoluer dans Damas ou Jérusalem est un plaisir intense que je n’ai connu avec aucun autre jeu. Ce rapport à l’espace, à l’architecture et à la lumière que permet Assassin’s Creed opère comme un charme immédiat ; grimper, plus haut, toujours plus haut et puis faire corps avec les murs, les aspérités, avoir le nez collé à ces détails, fenêtres, portes, moucharabiehs, poutre, brique, crépit, pierre littéralement Altaïr embrasse chaque ville et quand il grimpe, il donne la sensation de danser, il embrasse chaque recoin de chaque ville et c’est beau. Je ne peux pas dire le contraire j’ai été scotché, immédiatement, séduit et au fond j’étais venu pour ça, pour le dépaysement dans ces villes orientales et je n’ai rien à redire sur cela.
La série Uncharted mise elle aussi beaucoup sur sa qualité graphique et son offre de dépaysement, mais Uncharted voulant trop se référer au modèle cinématographique ne permet pas de faire l’expérience de ses décors comme le permet Assassin’s Creed surtout que Uncharted avec sa mise en scène qui louche sur le cinéma opte souvent pour le plan large voir très large, alors qu’Assassin’s Creed préfère les plans plus serrés et qu’il offre ses plans panoramiques avec une parcimonie délicieuse. Pour dire encore tout le bien que je pense de la direction artistique de cet Assassin's Creed, je veux dire à quel point elle n'a pas vieilli, elle est aujourd'hui encore pour un joueur habitué à la next gen - joueur que je suis - une des plus belles expériences visuelles ; j'admire la minutie de sa cohérence ; un travail qui repose sur l'architecture, la lumière et les textures qui construisent les différentes villes en leur octroyant une identité immédiatement reconnaissable. Je sais que cela peut sembler con, mais reconnaître une ville de par la nuance de ses architectures, le style d'une fenêtre, l'ornementation d'un balcon, c'est une sensation grisante ; c'est énorme ! Il y a beaucoup de jeux de fantasy qui choisissent des architectures caricaturalement différentes pour que le joueur se repère, ces jeux-là auraient dû s’inspirer un peu du travail dans la nuance d’Assassin’s Creed, je trouve que c’est plus gratifiant en tant que joueur.
Mais voilà, passé la claque du dépaysement, il y a le jeu, le gameplay et l'intérêt que l'on est censé trouver à la narration. Et là tout de suite s'est plus compliqué, c'est là que je n'adhère pas du tout à l'esprit du jeu. Pour prendre les choses dans le désordre ; je trouve les missions affreusement répétitives et outrageusement faciles. Au début du jeu je trouvais les combats vraiment intéressants parce qu’ils étaient assez durs et plutôt mortels. Le côté épéiste plutôt réaliste avec parades et contre s'était bien trouvé et dès que les adversaires étaient nombreux les chances de se faire désynchroniser étaient grandes ; c'était bien. Et puis on apprend à maîtriser le contre qui fait rapidement des ravages dans les rangs ennemis, mais surtout notre barre de vie devient rapidement longue comme le bras et du coup sans même parer ou esquiver, on vient tranquillement à bout des adversaires. Du coup après quelques heures de jeu les combats perdent tout intérêt, on sait que l’on va gagner, ça devient juste chiant et un peu long quand il y a trop de monde. Je passerai sur le fait qu’Altaïr est hyper agile quand il est question de sauter de toit en toit, mais dès qu’il est sur le sol il devient balourd comme pas possible. Les missions d’espionnage sont magnifiques de non gameplay et les interrogatoires criant de non subtilité. Sans parler d'une IA douteuse, d'un jeu doublé par trois pauvres personnes ce qui donne l'impression qu'il y a toujours les mêmes personnes dans la ville - et en plus personne ne m'a prévenu qu'une des voix du jeu est la voix de Moe le barman des Simpson, du coup quand je l'entends je ne peux pas m'empêcher mon esprit de faire un mix mental et d'imaginer Homer grimper sur les murs - et plus généralement des réactions des habitants très curieuses.
Côté narration le jeu souffre des jeux du syndrome des jeux ouverts : le manque de rythme. Mine de rien raconter une histoire c’est un métier, c’est un job, c’est une entreprise qui repose sur des éléments concrets et la maîtrise du rythme est primordiale. Vu qu’ici on est libre de faire avancer l’histoire quand on veut la narration s’écroule. D’autant plus que l’on ne peut pas dire que les dialogues ni l’histoire fassent dans la subtilité du coup, je n’accroche pas une seconde cette histoire. Histoire chiante, missions molles et répétitives, gameplay rigide, cela fait beaucoup de défauts qui viennent ternir l’impression première.
Et puis il y a ses improbables retours à la réalité, cette métahistoire dont je n’arrive pas à savoir si c’est du génie ou si c’est une honteuse manœuvre pour détourner la violence et créer un prétexte à des suites sans nécessaires liens scénaristiques. Parce que à part virtualiser la violence, mettre les nombreux, assassina dans un contexte pas tout à fait réel et ainsi les rendre plus acceptables à la vue d'une hypothétique censure, je ne vois pas ce que ces phases et cette narration apportent au jeu. Donc d’un point de vue scénaristique je trouve ça détestable, une manière de botter en touche, de dire oui on fait un jeu sur les assassins, oui on permet au joueur d’assassiner des innocents, mais bon vous voyez ce n’est pas tout à fait le réel alors ce n’est pas grave … En même temps je suis toujours fasciné par les phases de jeu inutile et ces retours à la réalité offrent de très beaux moments de gameplay inutile dans ce laboratoire qui hurle au joueur, regardes-tu es au purgatoire. C'est pour cela que, lorsque je suis dans la peau de Desmond, j'aime aller me coller devant la baie vitrée et regarder cette ville inconnue, cette ville qui n'existe pas, nulle part, cette ville qui n'en est pas une, l'antithèse de tout ce que le jeu offre en terme d'urbanité, je regarde cette ébauche de ville blanche et j'attends de voir surgir les baskets rouges de Faith …
Je pense que je vais pouvoir jouer jusqu’à finir le jeu parce que le plaisir du déplacement dans la ville est grand, parce que le plaisir du dépaysement est grand lui aussi et parce que j’ai envie d’aller visiter l’Italie des épisodes suivants. Mais je ne comprends pas tout à fait le plus que succès de cette série, il y a quelque chose qui m’échappe. Mais au moins si j'arrive au bout, je pourrais dire que j'ai fait ce classique du jeu vidéo et rien que pour, j'en serais heureux.