Lorsque j’ai entendu parler du nouveau magazine Icare l’envol du jeu vidéo l’idée m’a immédiatement séduite et j’ai couru l’acheter - en vérité j’y suis allé en voiture puis en marchant -. La presse vidéo ludique allait peut-être témoigner d’une ambition nouvelle et d’une maturité à la hauteur de son age bientôt vénérable. Finies les blagues potaches et les tests de jeux façon Auto Plus. C’est riche d’un espoir nourri de fantasmes que je me suis attelé à la lecture de ce nouveau magazine. Je n’ai jamais eu pour Kratos et la série des God of War une admiration particulière mais il n’est pas nécessaire de me parler d’un film que j’aime pour que j’apprécie la lecture de sa critique et puis la thématique ; la mythologie grec dans les jeux vidéo est suffisamment dense pour développer des propos intéressants.

 

Soyons clair : Icare mag est ambitieux mais il est raté et passe globalement à coté de son ambition. Ce n’est pas un magazine qui parle de jeu vidéo d’une façon nouvelle tournée vers la créativité, ce n’est rien de plus qu’une monographie. Si c’est ce que vous cherchiez ne cherchez plus vous l’avez trouvé, sinon passez votre chemin. Voilà vous avez lu le fond de ma pensée vous pouvez mettre fin à votre lecture ici car le reste de cet article ne sera que partis pris arbitraire et critique 100 % subjective mais argumentée pour dire que je n’ai pas aimé ce magazine.

 

Merci à ceux qui sont restés.

 

Formellement Icare est généreux ; 130 pages sans publicités soutenues par des illustrations originales et beaucoup de textes mais on n’achète pas la littérature au poids non plus. La mise en page a pris le parti du sérieux et du sombre parce qu’il faut faire sombre et sérieux dans la forme pour être sombre et sérieux dans le fond, j’y sérieux, j’suis sombre, je colle à Kratos parce qu’il est sombre et violent, alors peut être que ça donne un supplément de cohérence mais peut être bien que c’est aussi redondant et très puéril dans la rhétorique graphique ; faudrait il donc user d’une mise en page virant au rose avec des coeurs sur les i si l’on veut parler du rôle de la femme dans le jeu vidéo ? Est-il nécessaire d'insérer des impacts de balle dans le corps du texte quand on écrit sur la violence pour être crédible ? Bien sûr que non et cette mise en page est à l’image du magazine naïve, elle témoigne d’une forme d’immaturité qui cherche plus le tape à l’oeil qu’autre chose. A trop vouloir coller au héros qui pose sur la couverture on finit inévitablement dans la caricature.

 

C’est vrai qu’il y a beaucoup de choses à lire en quantité mais le contenu tourne rapidement en rond. Icare l’envol du jeu vidéo colle à God of War comme une moule sur son rocher. Il porpose une lecture très premier degré qui s’interdit de mettre le jeu en perspective avec autre chose que la stricte fidélité à la mythologie originale ; point d’analyse créative ou de critique autre que celle strictement vidéo ludique. La thématique mythologique et la volonté affirmée dans l’édito de se tourner vers la créativité apparaissent rapidement comme une pure intention, une caution vaguement culturelle, un décors de carton pâte ; lire ce magazine et espérer voir le propos de l’auteur interagir avec la mythologie est aussi frustrant que de se retrouver dans un jeu sans possibilité d’interaction avec le décor. Icare l’envol du jeu vidéo propose ni plus ni moins qu’une monographie de la franchise God of War. Et de monographie à monotonie il n’y a qu’un pas que le magazine franchit allégrement.

 

Le magazine peine à faire émerger une problématique qui aurait premi d’orienter la lecture et a priori sa rédaction. N’était-il pas nécessaire de dégager une problématique pour aborder le sujet de la créativité ? Peut-on parler de la représentation de la mythologie grecque dans les jeux vidéo sans aller voir du coté du cinéma pour le péplum et de la peinture de Jean Léon Gérôme qui ont posé les bases de la représentation de la mythologie dans notre imaginaire culturel collectif ? Icare affiche l’ambition de parler de jeu vidéo différemment et d’en parler en terme de créativité mais il manque à ce numéro un appareil critique qui permettrait de théoriser le propos et sortir de cette lecture très premier degré de God of War.

 

Le mot qui me vient c’est puéril, il colle à l’esprit tout au long de la lecture de ce magazine et c’est particulièrement flagrant quand l’auteur se lance dans des exercices littéraires périlleux comme une auto-fiction de Kratos. Je trouvais l’idée osée mais sincèrement intéressante ; faire rédiger une auto fiction par un personnage de jeu vidéo c’était une belle entrée en matière, la possibilité de mettre le lecteur sur orbite si le texte avait été réussi mais quand l’auteur s’est mis à écrire que Kratos contrôlait l’esprit du rédacteur tout s’est écroulé. Pourquoi recourir à une ficelle aussi naïve, grotesque, puérile, qu’est-ce que ça apporte à la lecture et au texte ? Moi ça me donne la sensation que l’auteur n’assume pas l’exercice littéraire. C’est prendre le lecteur pour un con soit parce qu’on cherche à lui faire croire n’importe quoi, soit parce que c’est considérer qu’il n’est capable d’appréhender ce qu’est une auto-fiction.

 

L’auteur, à la fin du magazine dit que certains haïrons le concept, c’est tout à son honneur de penser à eux et comme lui j’ai une pensée pour les lecteurs de mon article qui le trouveront mauvais, qui le détesteront et qui ne seront pas d’accord avec moi. Quoi que je puisse en dire même si je trouve ce premier numéro raté, prétentieux et inabouti je respecte ce projet parce que les jeux vidéo ont besoin d’expérience comme celle-ci pour avancer, grandir et forger au delà d’un appareil critique plus dense une image de média a part entière. Et puis j’achèterais le prochain numéro ; d’une part pour voir les évolutions et d’autre part pour la prochaine monographie qu’il proposera. Il finira bien rangé dans ma bibliothèque avant même que je n’ai fini de le lire.


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