Pas de hardcore gamer, pas de casual gamer pas plus que de rétro gramer, je suis issu d’une époque où l’on devenait joueur par hasard ; un joueur sans étiquette qui s’amusait avec sa console comme il jouait avec ces figurines c'est-à-dire dans l’indifférence de l’enfance - la naïveté - et avec l’imagination - la simplicité - de ceux qui ne peuvent qu’échapper à une mode qui n’existait pas et qui donc construisaient leurs mythes et leurs légendes sur la page blanche de leurs affectes.

 

La toute première console que j’ai eu chez moi c’était une Mattel Intellivision,  vénérable ancêtre vidéo ludique à l’élégance formelle folle avec son plaquage en - faux - bois et sa patine couleur laiton.  Sans ironie je peux dire que c’est pour moi un des plus beaux objets - console de jeux vidéos - que j’ai connu, peut être parce que ça a été le premier mais pas seulement. Il y avait dans ce design une tentative de noblesse qui surclassait n’importe quel Pong ou n’importe quelle Atari 2600 de l’époque et qui surpassait d’ailleurs aussi le design minimaliste des consoles qui connaitront des succès commerciaux majeurs comme la N.E.S ou la Master System. J’irai même jusqu’à voir une filiation entre la prétention esthétique de l’Intellivision et l’allure majestueuse d’une Néo Géo cartouche, cette volonté d’imposer par son aspect extérieur une forme de prestige, démarche qui aura échappé - je trouve - à des générations de consoles par la suite. On retrouve aujourd’hui cette volonté d’ancrer du coté du luxe l’objet par son design sous les traits d’une Playstation 3 pensée non pas comme un jouet mais comme un élément pouvant s’intégrer à un intérieur adulte.

 

Cela peut paraître curieux mais je ne me rappel pas précisément à quelle époque ni à quel âge j’ai connu cette console, je sais juste que c’était quelques temps - des années ? - avant que la Nintendo N.E.S arrive en France, c’était avant d’aller au collège, bref ce n’était pas hier. Je n’ai pas souvenir non plus d’avoir désirée, espéré ou attendu  une console de jeu, pas plus celle là qu’une autre. J’en ai simplement hérité de mes cousins dans le sens de cette tradition familiale qui fait que l’on fait don aux petits de ce qui ne va plus aux grands- ou de ce qui est devenu obsolète pour eux -, jouets, chaussures, manteaux, etc. On pourrait penser que mes cousins se sont débarrassés de leur Mattel Intellivision pour la remplacer par une machine plus performante mais je ne crois pas que par la suite ils se soient jamais plus intéressés de près aux jeux vidéo. Moi à cette époque je n’imaginais pas qu’une console puisse être un produit de consommation, la mienne n’avait pas été achetée et je n’imaginais pas que d’autres enfants puissent en avoir ou en vouloir une, c’était un peu comme ma rose si j’avais été le petit Prince, sauf que ma rose se branchait sur la télé.

 

Me voilà donc avec une console et une foule de jeux qui me sont tous parfaitement inconnus. A cette époque je suis novice et vierge de toutes cultures vidéo ludiques. La console est rangée dans un coffre en osier, comme un coffre à jouet, dans lequel il y a la console et en vrac les jeux en dehors des boites - qui étaient en carton et qui, si elles ne cassaient, s’usaient et s’abimaient très vite -, les livrets dont je crois me rappeler qu’ils étaient tout en anglais - inutiles entre mes mains qui ne comprenaient rien à cette langue exotique - et qui trainent dans le coffre avec les petites cartes plastifiées que l’on devait glisser sur le clavier de la manette éparpillées dans le fond. J’ai du être quelques fois contraint de ranger les jeux dans leurs boites - à moins que ça n’ai été de ma propre initiative - mais je ne gardais jamais longtemps les jeux dans cet état d’ordre, mauvaise habitude que je garderai des années plus tard à ne pas avoir les bons jeux dans les bonnes boites et pester dix minutes avant de mettre la main sur le jeu auquel ont voulait jouer il y a dix minutes. Quand je voulais jouer il suffisait de sortir la console du coffre en osier et de la brancher sur la télévision, ce que je veux dire par là c’est que la console n’était pas branchée en permanence, elle n’exerçait pas cette attraction perpétuelle que peuvent représenter les machine connectée en continu et donc perpétuellement sur la brèche du divertissement. Oui à cette époque ce n’était qu’un jouet, un jeu non exclusif des autres jeux.

  

Ce sont là mes premiers émois vidéo ludiques. Je branchais la console pour y jouer seul, avec ma petite sœur ou avec des copains de passages. Je jouais pour jouer au sens où le jeu importait peu, quand je dis « le jeu » je parle de la cartouche dans la console. Oui les jeux n’étaient que des prétextes pour jouer à la console, à cette époque je jouais à la console avant de jouer à un jeu en particulier. Je ne voyais pas l’intérêt de me plonger dans un jeu, peut être aussi que les jeux n’avaient pas cette dimension narrative avec un début et une fin qui nécessite que l’on s’y atèle si l’on souhaite éprouver d’en avoir fait le tour. Je jouais à la console comme je jouais aux Lego ou avec mes voitures, pour un instant d’occupation et de divertissement et dans ma tête de joueur et d’enfant les jeux n’étaient que des accessoires de la console.

 

Cette Intellivision a vécu quelques années avant de rendre l’âme de sa belle mort. D’abord les contrôleurs ont commencée à donner des signes de fatigues, des boutons qui ne répondent plus, des directions qu’on ne peut plus marquer. Et puis c’était l’été quand la console elle-même c’est mise à surchauffer. Quand la machine chauffait trop les couleurs pourtant peu nombreuse à l’écran disparaissant me laissant devant un jeu en noir & blanc. Cet été là je me souviens avoir mis des bouteilles d’eau au congélateur pour ensuite rouler les bouteilles pleines de glace dans un torchon et les poser sur la console pour garder les couleurs à l’écran. C’est ainsi que c’est fini ma préhistoire vidéo ludique, annonçant - ou pas - les ères qui la suivirent, mais ceci est une autre histoire.

intellivision big

Ma toute première console, une Mattel Intellivision

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