Si vous avez éteint votre console durant quelques heures pour apercevoir ce qu’il se passe dans votre télévision il ne vous aura pas échappé que nous sommes en pleine campagne présidentiel - en France, je le précise au cas où des lecteurs étrangers parfaitement billings mais parfaitement sous informés aussi viendraient se perdre sur mon blog -, c'est la grande foire aux candidats, aux débats, aux discours et aux promesses de campagne. Dans ce brouhaha médiatico-politque réglé comme du papier à musique je suis tombé sur un document intéressant : 10 mesures clés pour relever les défis industriels du jeu vidéo. C'est un - petit - document publié par le Syndicat National du Jeu Vidéo à l'intention des candidats à l'élection présidentielle. Si je souligne le terme petit c'est pour vous inciter à lire le document - 14 pages avec une mise en page aérée - dont voici le PDF ou à défaut le survoler parce que c'est intéressant de voir ce que le SNJV propose comme avenir pour le jeu vidéo à la française. Et puis je ne suis pas là pour prendre une à une les dix propositions, vous en faire une analyse et de vous dire quoi penser ; vous êtes des grandes filles et des grands garçons et votre libre arbitre vous appartient. Et moi si j'écris cet article c’est parce que deux des propositions m'ont faites réagir.

 

snjv.jpg

 

Adapter le droit du travail aux cycles de production du secteur

 

Je ne suis pas un grand économiste il s'en convient mais j'ai la sensation que la mesure n°9 qui propose d'adapter le droit du travail aux cycles de production du secteur propose surtout de créer, enfin d'accentuer, un climat de précarisation pour les acteurs du jeu vidéo. Derrière cette idée je vois un contrat de travail qui serait comme d'intermittent du jeu vidéo ou de saisonnier du jeu vidéo. Déjà que la réalité au sein de certaines structures de développement et de création de jeux vidéo est précaire cette proposition semble vouloir importer un modèle de instabilité au sein de notre production hexagonal. Je peux me tromper mais j’ai la sensation que ce contexte n’est pas le meilleur pour créer des vocations et encore moins pour garder en France ceux qui auront quand même cette vocation. La précarisation d’un contexte social n’est pas non plus le terreau le plus propice à l’émergence d’une créativité. Généraliser des contrats à durée limité pour mieux coller aux cycles de production me semble sous entendre favoriser une spécialisation d’acteurs n’intervenant que ponctuellement quand un studio à besoin d’externaliser ou de sous traiter une tâche. C’est peut être un modèle économique efficace - je ne m’avancerai pas sur la question - c’est en tout cas un modèle qui pour moi s’en prend au mythe fondateur du jeu vidéo ; mais si vous savez cette époque mythique où un homme seul dans son garage pouvait réaliser un jeu vidéo qui allait devenir un hit mondial, cette mythologie où une poignée de passionnés pouvaient donner vie à des concepts novateurs simplement parce qu’ils étaient passionnés et motivé.

 

Transformer le crédit d'impôt recherche en crédit d'impôt innovation

 

C'est cette mesure qui m'a faite le plus réagir. A travers cette proposition le SNJV prend le parti d'un jeu vidéo qui se définira avant tout par son aspect technique et technologique. C’est considérer que le jeu vidéo c'est surtout - pour ne pas dire seulement - de l'innovation technologique. C'est sous estimer, nier ou oublier la dimension culturelle que les universités française - puisque ici nous ne parlons que de notre beau pays - pourraient et devraient défricher et formaliser. C'est un parti prit qui vat donc à l'encontre de ce que j'espère c'est à dire voir l'émergence d'une culture du jeu vidéo. On en discutait par commentaires à la suite de l'article Existe t-il une culture du jeu vidéo ; je suis de ceux qui pensent que l'élaboration formelle d'un cadre culturel propre au jeu vidéo nécessite qu'il coupe le cordon ombilical avec sa dimension technologie. Passer d'un crédit d'impôt recherche à un crédit d'impôt innovation c'est fermer la gueule des universitaires et de ceux qui essayent de penser le jeu vidéo comme un outil d'appréhension des enjeux sociétaux du XXIème siècle et donner la clef de la maison aux ingénieurs. Alors c'est vrai, l'innovation technologique c'est plus rentable que la recherche intellectuelle et je sais qu'en ces temps de crises se faire du fric c'est le nerf de la guerre. D'ailleurs je ne dis pas que la France devrait laisser l'innovation technologique dans le jeu vidéo aux autres grandes puissances je dis juste que ça ne devrait pas se faire au détriment de la recherche. C'est très bien de mettre en valeur la production technique et industrielle mais si elle permet de faire évoluer les formes elles n'aident pas à l'innovation en terme de contenu et ça serai triste d'avoir une industrie du jeu vidéo française capable de créer des outils nouveaux mais qui serait dépassée en terme de contenu laissant à d'autres nations le soin d'utiliser notre technologie pour écrire l'histoire et la culture du jeu vidéo. Quand on parle cinéma bien sûr que la qualité de l'outillage nécessaire au tournage du film rentre en ligne de compte mais de façon très minimale, le coeur de la parole cinématographique se construit autour du contenu et nous nous voudrions réduire les jeux vidéo aux plateformes qui les faits tourner ?

 

morano-gta.jpgje n'ai pas pu m'empêcher de repêcher cette photo de Nadine Morano qui fait semblant de jouer à GTA avec ses fils, parce que si le jeu vidéo est de droite autant pouvoir en rire

 

L'inexpertise politique d'un joueur passionné mais citoyen commun

 

Après avoir lu les 10 mesures clés pour relever les défis industriels du jeu vidéo le joueur passionné que je suis mais citoyen très commun que je reste a la sensation que ces propositions vont avant tout dans le sens des éditeurs - ceux qui avancent l'argent dans l'embarcation vidéo ludique - que réellement dans le sens des studios - qui eux avancent les idées et donnent le cap qui permet de partir à la conquête de territoires inconnus -. Bien sûr je ne prétends avoir compris tous les tenants et les aboutissants de ces propositions du SNJV et je suis d'ailleurs ouvert à vos remarques et vos éclairages sur le sujet. Mais je ne voudrais pas que sous prétexte de rentabilité le secteur du jeu vidéo français rogne sur une tradition culturelle et créative qui devrait faire une part importante de son identité. Que voulons-nous nous autres joueurs et consommateurs passionnés - oui ça fait bizarre d'écrire consommateur passionné mais quand on voit la fougue avec laquelle certains d'entre vous achètent des éditions hors de prix aussi régulièrement qu'un fumeur achète son paquet de clopes que je suppose que vous êtes des consommateurs passionnés - ? Est-ce que pour nous consommer du jeu vidéo français et jouer français est important ? Serions capable de faire dix propositions pour esquisser un avenir industrialo-culturel du jeu vidéo dans les dix prochaines années ; une sorte de cahiers de doléances du gamer qui remonteraient jusqu'à nos candidats ? Je sais je dis n'importe quoi, en réalité le gamer est très loin de pouvoir représenter un lobby crédible. Certes nous sommes nombreux, certes nous sommes de grands consommateurs, mais une grande partie de cette masse de gamer est constituée de mineurs et vu que le mineur n'a pas le droit de vote le poids politique du gamer est quasi nul.

 

De Sim City à CityVille le gamer est pourtant un citoyen

 

Même si imaginer un lobby des gamers est une utopie ridicule je trouve intéressant de voir au travers des 10 mesures clés pour relever les défis industriels du jeu vidéo du SNJV de quelles manières le secteur du jeu vidéo s'oriente politiquement. De façon partisane et arbitraire pour moi cette orientation que propose le SNJV est plutôt à droite, une bonne vieille droite libérale d'un classicisme très classique comme le suppose l'adjectif en question. C'est intéressant d’ailleurs, traditionnellement la sphère artistique et culturelle est plutôt orientée à gauche et la sphère des industries orientée à droite. Cette série de propositions du SNJV, censé représenter les studios créateurs de jeux vidéo, donne une réponse plutôt clair sur la nature du jeu vidéo : le jeu vidéo est un marché, une industrie et ce n’est pas encore un art ni même une culture. Et vous qu'en pensez vous ? Pour vous le jeu vidéo est-il de droite ?

Retour à l'accueil