Les boutiques de jeux vidéo vont-elles toutes disparaitre ?
13 nov. 2012C’est là un vieux serpent de mer de l’industrie du jeu vidéo ; l’idée selon laquelle la disparition des boutiques physiques de jeux vidéo est prochaine, programmée, certaine, voir prophétisée par le cynisme de certains passionnés et acteurs du milieu - je n’ai pas dis la disparition espérée mais allez savoir … -. Ce sujet vieux, comme la duplication des jeux sur disquette, est agité sous le nez du joueur comme un drapeau rouge depuis l’époque du piratage outrancier de la PS One et régulièrement il revient sur le devant de la scène en annonçant sans sourciller une nouvelle mort imminente des revendeurs de jeux vidéo. D’ailleurs je suis sûr que vous avez déjà entendu un couplet sur les méfaits de la dématérialisation à outrance, sur les dangers du piratage ou sur la volonté assumée des éditeurs de lutter contre le marché de l’occasion suffisamment pour le brider jusqu’à le rendre obsolète alors je vais essayer d’éviter de vous rejouer ces classiques mais étant atteins du syndrome « pourquoi pas moi ? » qui se caractérise par de subites envies de moi aussi écrire sur un sujet traité par la moitié de la blogosphère et par des gens parfois moins légitimes que moi je vais aborder cette question de la disparition des boutiques de jeux vidéo en essayant d’aborder ma pierre à l’édifice ou à la lapidation et surtout en faire un prétexte pour parler de moi.
Il est vrai qu’une petite balade dans une ville de province suffit à voir qu’il a un problème avec les boutiques de jeux vidéo mais ne soyons pas hypocrites ce problème ne relève pas encore de la dématérialisation ni des éditeurs qui poseront des problèmes dans l’avenir, il y a un problème bien plus réel, relevant du présent et il vient des franchises elles-mêmes. Le vrai problème à mon sens c’est le cruel manque d’âme, de cœur, de passion et de caractère des boutiques de jeux vidéo. Quelle que soit l’enseigne toutes les boutiques sont nazes, hideuse, ennuyeuse, anonymes et creuse ; décoration à faire pâlir de froideur un hôpital de province, présentation à peine fonctionnelle qui parfois n’est pas sans irrespect pour l’objet jeu vidéo - avec de très disgracieuses étiquettes - et pour couronner le tout achalandage limité et calibré pour un public sans exigences vendu à des prix excessifs. Bref des boutiques génériques dont l’impression générale est proche de ce que l’on ressent quand on entre dans une grande sufrace. En dehors des franchises comme Micromania, Dock Games et Cie je ne crois pas avoir connaissance d’autres franchises commerciales aussi mal branlées à part peut être les chaînes de fast-food. C’est ça le vrai problème aujourd’hui ; pourquoi aller acheter ses jeux dans un tel endroit quand on peut aller ailleurs ?
Et ailleurs y’a internet …
Internet n’est pas nécessairement plus beau d’accord mais internet propose une offre pléthorique, internet permet de trouver des informations sur les jeux et bien sûr internet est disponible 24H/24H. Si on est réaliste il faut reconnaître que les boutiques physiques ne peuvent pas concurrencer internet sur ses qualités, il faudrait qu’elles s’appuient sur des qualités propres aux commerces de proximité mais c’est ça le problème elles n’en ont pas. Si elles ne veulent pas disparaître il faut qu’elles parviennent à apporter autre chose que du consommable ; ça me semble évident que c’est en ré-insufflant de l’humain, de la passion, de l’originalité et du savoir-faire que ces structures pourront se sauver d’une triste mais inéluctable disparition. A vouloir ne donner que dans le consommable elles resteront toujours dans une offre inférieur à ce que permet internet.
Je ne sais pas vous mais moi je voudrais trouver, retrouver, rencontrer, découvrir, ne pas renoncer aux boutiques de jeux vidéo avec une ambiance, un savoir-faire et cette culture qui font la patine des boutiques spécialisées. Un peu comme le disquaire ou le libraire chez qui l’on va parce qu’on sait qu’il saura nous éclairer, nous conseiller, nous guider, nous faire découvrir des choses, celui chez qui il a ce je ne sais quoi qui fait la plu value humaine et qui justifie que l’on paie plus cher que sur l’impersonnel internet. Pourquoi ces boutiques là ne seraient-elles plus possibles ?
Il y a plus de dix ans suite à un coup de tête - ou à un malentendu - j’ouvrais ma boutique de jeux vidéo. J’étais jeune et timide, je n’avais pas le bon profil du commerçant mais j’avais le goût des idées folles et un petit peu celui des grandeurs égo maniaque. Je voulais donc que ma boutique me ressemble et pour cela il fallait qu’elle soit un petit peu marginale. Il était hors de question d’être franchisé parce que je rêvais d’une boutique qui soit lieu culturel hybride où l’on aurait pu trouver des jeux vidéo, de la littérature de science fiction, un espace pour consulter des tests, je voulais faire découvrir des consoles démodées - oui le rétrogaming n’avait pas de nom à cette époque -, vendre des goodies et avoir une vraie décoration - ce qui sera le cas grâce à décor de SF réalisé par une décoratrice de théâtre -. Je ne dis pas que j’ai tout réussi, ni que c’était bien, beau, parfait et optimal je dis seulement que j’ai essayé et si il était possible à cette époque d’avoir ce genre d’aspirations pourquoi aujourd’hui ça ne serait plus le cas ? Et il absurde d’espérer trouver un lieu commercial qui en plus de vendre des jeux vidéo vende aussi un peu de rêve ?
Voilà selon moi ce qui va tuer les boutiques de jeux vidéo c'est la médiocrité de l’offre. En même temps c’est le point de vu d’un amateur éclairé qui possède une certaine exigence en terme de joueur consommateur. Mais le consommateur de base, le débutant, le parent, le mouton bien éduqué à dépenser son fric pour faire vivre le système lui il a besoin de quoi ? De rien, d’une caisse enregistreuse et du jeu à la mode. Et ça les boutiques de jeux vidéo - qui avec l’invasion Skylanders prennent des aspects de rayons jouet de grande surface - elles savent le faire. Vendre le jeu à la mode et prévendre celui qui va l’être voilà ce qu’elles font ; bien ou mal à vrai dire je m’en fouts ce qui compte c’est qu’elles le font. Voilà pourquoi en réalité elles ne mourront pas, pas plus maintenant que dans le futur parce qu’il y a aura toujours des gens, des jeunes, des joueurs, des parents, des inconnaisseurs, des paresseux, des immoraux, des ignorants, des indulgents, pour acheter Fifa, Call of Duty, Mario, Léa, Assassin’s Creed toutes les autres licences à la mode dominante sans exiger autre chose que de repartir avec leur jeu à la main.
Est-ce que les boutiques sont malades ? Oui ! Elles sont malades de leur cruel manque de caractère, malade de la concurrence internet qui vend à meilleur prix des jeux que les boutiques n’ont pas en rayon et elles sont malades du poids de leur franchises aux rigueurs sans imagination. Mais je ne crois pas que ce soit là une maladie incurable. Le nombre de magasins de jeux vidéo va diminuer encore, les franchises peut être mou
rir et il y aura alors la place pour un marché de niche et je suis convaincu que l’on verra à ce moment là réapparaître des boutiques de jeux vidéo qui ressemblent à quelques choses, de fragiles édifices commerciaux qui tiendront par la passion qui animera les vendeurs et les clients, ce genre de boutique dans lesquelles on va par plaisir et pas nécessairement pour acheter son jeu. Moi j’y crois et vous ?