je viens de tomber sous le charme d'une tablette et elle n'est pas de chocolat ...

je viens de tomber sous le charme d'une tablette et elle n'est pas de chocolat ...

Je suis issu d’un autre siècle, j’ai donc connu le temps d’avant l’Internet, c’était un autre temps, une autre temporalité. Mais je ne suis pas venu vous dire que c’était mieux avant, loin de là. J’aime mon époque et ses excès de connectivité au monde. C’est même le contraire, j’ai la sensation que d’avoir connu le temps d’avant, là où rien de tout ce qui fait ce quotidien connecté n’existait, me permet, encore aujourd’hui de m’émerveiller des prouesses de ces technologies qui entrent dans nos habitudes ; internet, smartphone, tablette, cloud, gameplay asymétrique, jeux vidéo nomades et cette sensation de pouvoir être en permanence relié au cœur grouillant d’un savoir émergeant et du monde en devenir.

 

J’ai été joueur de vidéo games très jeunes, mais, comme je l’écrivais au début de ce blog, pour moi ce n’était pas de la technologie, juste du jeu, du jouet, de l’amusement. Mais surtout pour moi le jeu vidéo c’était le jeu sur console, uniquement les consoles, entièrement les consoles ; haro sur l’ordinateur et la micro informatique ! Mon rapport à la technologie, la nouvelle, celle qui plus tard deviendrai la base de la culture geek, est arrivée plus tard dans ma vie et dans ma campagne reculée. C’était au milieu de l’adolescence. Je me rappelle, mon premier ordinateur, je ne le désirais pas particulièrement. Un jour mon père est revenu de son travail avec une de ces machines rescapées de son travail parce qu’elle avait été remplacée par une plus récente. Une grosse tour, un écran aux lumières oranges et noires. D’une certaine manière, j’étais fier d’avoir un tel objet. Pas pour ses capacités techniques mais parce que c’était une belle pièce de décoration, plus précisément une belle pièce de décoration rétro futuriste.

 

Dans mon imaginaire, l’informatique appartenait à la science-fiction, celle que j’avais pu approcher par le biais des films, des jeux de rôle et des jeux vidéo, une science-fiction un peu désuète que je n’ai jamais cessé d’aimer. Il était là, sur mon bureau, c’était beau, mais je ne savais pas quoi en faire. À la différence d’aujourd’hui il fallait inventer une utilité à cet outil. Je suppose que maintenant la question ne se pose plus, les générations qui naissent dans l’ère informatique savent à quoi sert l’informatique. La première utilité que j’ai trouvée a été de reprendre mes fiches de personnages de jeux de rôle pour les mettre au propre, et ensuite les imprimer sur ce papier aux marges percées que l’on devait ensuite enlever.

 

C’était empirique, allumer, éteindre, rallumer, se demander à quoi cela pourrait me servir, l’éteindre encore, puis l’oublier, le regarder, l’aimer en tant qu’objet et retourner jouer sur sa Super Nintendo.

 

Oui, j’ai connu le temps où cette technologie n’avait pas de sens, j’étais le premier à douter de l’intérêt et de l’avenir en voyant venir internet qui n’était à mon goût que bon à illustrer un futur qui ne viendrait jamais. J’ai fait partie ensuite de ces réfractaires au téléphone portable ce gadget d’asservissement - car être contactable en permanence c’est perdre sa liberté, sa liberté d’être seul et celle de disparaître, parce que l’on est vraiment libre que, lorsque l’on s’affranchit du monde - pour petits bourgeois aux mœurs ostentatoires et je n’étais pas été le dernier à moquer la vacuité naïve du smartphone à la pomme et j’ai été encore plus acide dans mon aigre avec la venue de la tablette summum de l’inutilité du smartphone sans la possibilité de téléphoner.

 

Mais je n’ai pas été un imbécile toute ma vie, j’ai changé d’avis, appris, apprivoisé, commencé à utiliser et à comprendre cet outil que je trouvais étonnant. J’ai appris à écrire avec l’informatique, à m’exprimer aussi grâce à lui, j’ai ouvert mon Windows sur le monde, fenêtre 56k et petit à petit j’ai agrandi la fenêtre et la portée de mes écrits. Comme bien d’autres que moi, je suis devenu dépendant, geek non parce que la nouveauté n’a pas attrait particulier sur moi, mais dépendant aux possibilités offertes.

 

ceci n'a rien à voir avec l'article mais je trouve l'illustration sexy et drôle et puis Lara Croft est à la mode, voyez cela comme ma dose de racolage minimum du jour

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Et aujourd’hui particulièrement la technologie nomade m’éclaire ; au sens où elle me sort de mon obscurantisme mais aussi au sens où elle illumine ma vie de possibilités nouvelles. J’ai regardé l’ordinateur et l’informatique comme ce premier ordinateur qui prenait tellement de place sur mon bureau ; l’informatique était un poste, un lieu, une presque un pièce à part entière. C’était là, ici, l’informatique c’était là où il y avait l’ordinateur et ça ne pouvait pas être ailleurs. Je voyais l’informatique comme un espace clos et par extension comme un espace enfermé. Je pouvais bien utiliser Windows, placer mon ordinateur en vis-à-vis d’une vraie fenêtre ou d’une porte, mais cela restait un espace clos, un espace encombrant. Un espace aussi encombré de ses périphériques, bruyant, chuintant en continu cette infime pollution sonore qui ne se révèle qu’une fois l’ordinateur éteint quand le vrai silence revient. Et c’est sans parler de la manière dont l’ordinateur connecté phagocytait mon attention de tous ses possibles, parler à tous les gens, lire tous les gens, écrire tous les gens, tout voir, comprendre, apprendre, découvrir, pirater, voler, convoler en amour virtuel, il y a eu concurrence entre le réel et le virtuel même si je me suis rapidement érigé en critique de cette dichotomie. Je parle parfois des notions de postures et d’espaces à conquérir par nos postures, mais l’informatique était pour moi une forme d’antithèse de cela, c’est un espace qui s’impose à nous et qui nous impose des postures dont on n’a pas le choix.

 

Et puis il y a eu la technologie nomade, la tablette, je veux dire elle est venu dans mes mains ; je ne suis pas là pour faire mes gorges chaudes des applications, des jeux, de ces gadgets dont l’intérêt s’évapore aussi sûrement que le buzz d’une starlette de télé réalité - non mais allo quoi ! - ; ce qui me fascine c’est la façon dont cette technologie nomade à synthétisé l’informatique le libérant de ses contraintes spatiale et de sa pollution sonore. Il ne reste plus qu’un écran. Rien d’autre que l’écran, interface tactile, un écran qui tient dans la main et soudain le rapport de forces entre le réel et le virtuel se voit modifié. Le réel réoccupe l’espace, l’informatique se libère et l’on peut enfin, à l’envie, retrouver des espaces à conquérir de nos postures. J’aime la tablette quand elle me permet d’écrire, de dessiner, de créer du sens, de consulter le sens, tweeter, communiquer tout en conservant un lien avec le monde réel. Ce minuscule ordinateur plat et lumineux n’est plus qu’un outil à mon service ; je me sens plus libre que je ne l’ai jamais été avec un ordinateur de bureau ou un ordinateur portable. < /p> C’est peut-être parce que j’ai connu le monde d’avant le règne du numérique que aujourd’hui encore à chaque fois que j’utilise la technologie dans le nuage je suis émerveillé, ouvrir un document, y écrire quelque chose, le refermer, le rouvrir ailleurs avec un autre appareil, y rajouter des mots, me procure une excitation palpable et un émerveillement presque constant. Je me réapproprie mon monde, mon espace, mon quotidien par le simple fait de cette tablette tactile. Écrire, dessiner, vous allez me dire que le cahier propose déjà cela, mais outre une fonctionnalité pas toujours évidente - essayez donc d’écrire dans le noir allongé dans une couchette du transsibérien et vous verrez que la qualité fonctionnelle du cahier n’est pas optimisée - c’est surtout que l’informatique nomade emporte avec lui et donc avec soi bien plus de données qu’un cahier pourra en contenir avec cette possibilité presque instantanée de partager cela avec le monde. J’aime la possibilité de partager, de l’enrichissement par l’autre ou par le savoir que l’on va chercher et enfin je ne suis plus contraint au bureau pour utiliser cela. C’est ma révolution à moi.

 

Je sais que pour beaucoup d’entre vous cela ce que je viens d’écrire est d’une grande banalité, je dois passer pour le vieux con qui pense avoir découvert l’eau tiède. Mais je me fouts de ce que vous pensez, ou de passer pour un marginal dépassé par son époque. J’ai de la chance d’être né dans un autre siècle, j’ai de la chance d’avoir connu le monde avant cette révolution numérique. Je dis cela non pas parce que l’autre monde était meilleur, mais parce que j’ai la chance grâce à cela de pouvoir vivre ce fantasme que j’ai toujours eu depuis aussi loin que remontent mes souvenirs : celui de vivre un moment charnière de l’Histoire.

 

Cet accès numérique au monde est une révolution structurelle majeure de la société et j’ai le bonheur de vivre cela. Je pense à mes grands-parents qui ont connu le monde sans télévision - pour ne prendre qu’un seul exemple - et qui pouvaient me parler de ce temps où les choses ont changées. Même si je n’ai pas encore d’enfants, je ne sais d’ores et déjà que je suis ce grand-père qui parlera de ce temps lointain où l’on ne connaissait pas internet et je raconterais avec émotion comment un jour la société c’est mise à changer. À ce moment là de ma vie je critiquerai alors mes petits enfants qui ne prendront plus la peine de s’émerveiller sur la façon extraordinaire dont cette révolution à modifier le monde et la structure entière de la société et de son rapport aux savoirs. Et cela me rend heureux.

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