Lorsque j’ai commencé Max Payne 3, j’ai rapidement atteints le seuil de déception, trop vite écœuré par la mise en scène que j’ai trouvée lourdingue. Par acquis de conscience je me suis accroché quelque temps pour quelques heures de persévérance et puis j’ai sagement abandonné parce que jouer aux jeux vidéo est avant tout une question de plaisir ; on ne va pas se forcer sous prétexte qu’il faut pouvoir cocher une case imaginaire dans la liste des jeux que l’on a fait. Et puis j’ai joué a Sleeping Dogs. Ses rares phases de fusillades qui m’ont vivement rappelées les sensations de Max Payne 3. Donc après avoir terminé Sleeping Dogs - que j’ai trouvé très décevant par rapport à ce qu’il aurai pu offrir - et avoir apporté à mon regard vidéoludique une nouvelle expérience de joueur j’ai eu envie de revenir à Max Payne 3 ; là où Sleeping Dogs est avare je sais que Payne est généreux et j’avais justement envie de défourailler à tout va.

En plus, quand pour la première fois j’avais émis des doutes sur ce jeu, Twitter m’avait répondu « tu dois au moins aller jusqu’aux favelas pour juger ce jeu, tu verras ça tue. » M’étant arrêté bien avant ce passage, j’avais un petit remords qui me faisait penser : si ça se trouve le jeu prend son réel envole après ce fameux passage dans les favelas. Curieusement, quand je pense à une scène d’action dans les favelas je pense immédiatement à celle à Modern Warfare 2 que je m’étonne encore d’avoir joué. Pourtant le passage par les bidonvilles est devenu un classique du jeu d’action en un contexte « réaliste » ; certainement parce que tuer des pauvres devenus hors la loi pour se tirer d’affaire - et souvent pour tirer sur vous aussi - est une approche de l’ennemi politiquement correcte. Et surtout ces bidonvilles offrent un level design naturellement confiné et tortueux, destructible à loisir et permettant une profondeur vertical intéressante. Bref, j’ai repris Max Payne 3 et je me suis impatienté d’arriver à ce fameux passage dans le favela.

Je ne vais pas vous faire le coup du suspense, je n’ai pas été ébloui par ce long niveau qui embarque Max dans ce bidonville sud-américain. En dehors d’une scène dans un bordel qui est sûrement la meilleure scène de bordel que j’ai eu l’occasion de jouer - en même temps ce n’est pas comme s’il y en avait beaucoup … - le niveau est long, linéaire et toujours entrecoupé des très énervante cuts scène dont Rockstar suppose qu’elles posent / imposent l’ambiance, mais qui chez moi me font sortir du jeu. Ce niveau ouvre le dernier tiers du jeu, un dernier tiers que l’on peut qualifier de « grand final » du jeu. Ce que j’ai malgré tout trouvé intéressant dans ce passage des favelas c’est que ce niveau est long, il offre des séquences de jeu longues que l’on retrouvera dans les niveaux suivants. Et c’est dans cette longueur que le gameplay de Max Payne 3 exprime tout son potentiel et donne le meilleur de lui-même. À mesure que les niveaux prolongent l’action le joueur oubli les défauts de mise en scène et de narration et prend du plaisir, un pur plaisir de gameplay, un pur plaisir de jeu vidéo. J’avoue avoir pris vraiment du plaisir à terminer le jeu ; au sens de jouer aux derniers niveaux du jeu.

Cette « amélioration » repose sur une cohérence scénaristique, détail que je trouve admirable, mais aussi sur un parti prit morale que je trouve douteux, ou en tout cas décevant. En effet, c’est à partir du passage des favelas que cette bouse alcoolique de Max Payne décide de décuver ; fini la picole, bonjour le sevrage ce qui se traduit de la part de Rockstar par une réduction des effets de mise en scène et des filtres éthyliques sur les images. Le jeu gagne donc un peu en épure, on revient à de l’action pour de l’action. Bien sûr j’avais toujours autant de mal à me faire aux couleurs chatoyantes de cette Amérique latine et aux diatribes redondantes et dépressives de Payne : mais la place grandissante que prenait l’action me rassurait. Pourtant ça ne m’a pas empêché d’être déçu par ce je prends pour un recul. Le jeu nous impose dès le départ un antihéros, alcoolique et violent à la dérive dans un flot d’événements qui lui échappent. On peut ne pas aimer mais bon c’est le parti prit de départ. Et amener cet antihéros à la rédemption par le sevrage et la bonne action gratuite je trouve ça dommage, douteux, décevant oui.

Max Payne passion costume
Max Payne passion costume
Max Payne passion costume
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Max Payne passion costume

De toute façon, si je suis critique avec Max Payne 3 c’est justement parce que je le trouve grossier en matière d’ambiance. Max Payne est un héros de jeu vidéo abîmé par la vie et hanté par ses démons et la mort de sa femme et de sa fille. Il a de quoi être sombre et dépressif. Alors Max il boit, il boit beaucoup et il boit trop en plus il fait des mélanges avec des médicaments. Du coup on met sur l’image du flou, des filtres colorés, des images qu’il voit en double parce qu’il est défoncé, des mots qui s’inscrivent sur l’écran comme si Max ne captait que certains termes dans les conversation. Et comme Max est un raté il a été congédié de la police et parce qu’on peut toujours descendre plus bas dans le malheur, Max a été engagé par des gens qu’il méprise qui l’écrasent socialement alors Max continu à boire. Comme il est une âme en peine déracinée à ses origines urbaines en couleurs sombres, bleutées, grises et crasseuses on a substitué un décor de pacotille, coloré, chatoyant, lumineux, luxueux, alors Max il boit. Et comme si ce n’était pas suffisant Max quand il a bu il parle, il se plaint, il explique sa déchéance, il commente son enfer, il se complait dans son rôle de sous-merde. Et comme Max est une sous-merde il échoue dans ses missions quand il doit protéger telle ou telle personne. Alors Max il s’en veut et il boit et se perd. Et comme Max il se perd il perd son image, il se rase la tête, il est gros, mal habillé, abîmé, blessé, crasseux et ça le fait chier Max alors il déprime. Etc. Etc. Etc. On pourrait croire que j’exagère et que je caricature mais malheureusement c’est exactement le contenu de ce jeu. Tous les effets se suivent, s’accumulent, s’ajoutent les uns aux autres, se paraphrasent, se concurrence, se croisent, se mêlent et selon moi finissent par se neutraliser s’ils ne finissent pas par écoeurer le joueur plus vite qu’ils ne tuent Max. Une seule ficelle aurait été suffisante pour faire comprendre les intentions, un seul style aurai permit de poser l’ambiance. Mais c’est comme si Rockstar avait refusé de choisir une seul direction artistique et s’était entêté à tout accumuler. En plus je ne vous spoile pas le scénario mais on ne peut pas dire qu’il avance dans la subtilité ; le jeu est là pour faire vivre un enfer à Payne et il le fait. Et je trouve ça dommage parce que cette surabondance d’effets, de signes, de signifiants gâche très clairement l’expérience de ce gameplay pourtant parfaitement rôdé.

  • Cela m’a sauté aux yeux lors d’un flashback où Payne se retrouve dans sa ville natale, dans la nuit, dans un cimetière. On se retrouve dans l’obscurité, une ambiance froide, bleuté et finalement très discrète ; dans ce flashback on retrouve aussi l’allure que Max avait avant quand il avait de l’allure justement ; et expurgé des scories détestables qui font les apparats de Max Payne 3 ce passage fonctionne très bien, le gameplay va même jusqu’à retrouver sa cohérence.

 

Parce que oui, si on s’y penche ce jeu repose sur une parfaite absurdité, une incohérence si grande que personne ne semble la voir. Comme je l’ai souligné dans cette critique Max Payne est un homme brisé, dépressif, la plus part du temps bourré et que ce n’est pas le cas avec la gueule de bois, lui-même souligne qu’il est vieux et gros, lourd et fini, pathétique. Et donc ce mec que l’on nous présente comme une loque, ce que lui-même confirme cela par ses longs monologues, est capable de sauter et, au ralenti, d’ajuster les cibles qu’il mitraille sans états d’âmes. Il est capable de se relever et de replonger traversant le décor comme une météorite qui canarde ses balles sur ses assaillants avec une précision d’orfèvre. Pis que cela, Payne est capable de descendre d’une seule balle dans la tête un militaire suréquipé et surprotégé à plus de 50m. Et quand Max se prend une balle qui le met à terre il est capable dans un dernier sursaut d’aligner son agresseur et alors qu’il chute, choit comme une merde sur le trottoir il est capable d’une riposte dont la précision n’a d’égale que l’efficacité. Alors d’accord nous ne sommes pas dans un jeu réaliste me direz vous, c’est un chez arcade, d’accord. Mais quand on prend la peine de créer un personnage, de le surcharger d’un déterminisme de l’entropie n’est-il pas absurde qu’il conserve un tel talent d’élite une fois les armes en mains ?

Au final j’ai la sensation que Rockstar avait un moteur, une belle mécanique de jeu et qu’il y on greffé une histoire, un scénario, une ambiance de façon arbitraire sans se soucier de savoir si cela avait du sens. Et on sort de Max Payne 3 avec une impression étrange le plaisir intense du gameplay quand le jeu te permet de s’y plonger et un sentiment de nausée provoqué par la lourdeur cradingue de la mise en scène. D’ailleurs il parait que le multi de Max Payne 3 est meilleur que son solo, ayant depuis des mois une connexion déplorable je ne peux pas en parler, mais le bon sens me fait penser que débarrasser de la lourdeur de son scénario et de ça mise en scène le jeu est calibré pour prendre du plaisir pour peu que l’on soit porté sur la gâchette et la violence facile.

  • Au delà des défauts et des qualités qui traversent ce jeu pour moi Max Payne 3 est un des jeux que j’ai trouvé les plus violents de cette génération de console. Ce qui est curieux c’est que j’arrive difficilement à cerner la raison de cette impression. Il se dégage un côté brutal du jeu ; peut-être l’abondance des affrontements ; peut être aussi la scène de revanche quand Max se prend une balle mortelle et qu’il peut riposter et que l’on suit la balle pour voir comment elle explose l’ennemi ; peut-être est-ce le dernier ennemi d’une vague sur lequel on peut s’acharner avec un beau ralenti pour voir les balles qu’on lui tirer entrer en lui ; peut-être plus sûrement que le reste c’est la dimension die en retry, Max meurt souvent, Max revient, Max meurt, c’est sans ambiguïté, c’est écrit, mort, on est mort, Max est mort et Max meurt encore et encore, un génocide de Max Payne dans l’indifférence du joueur.
Max Payne la critique

Note : je suis assez mitigé sur cette critique de Max Payne 3 finalement comme je suis mitigé par le jeu en lui-même. Mon premier texte de présentation écrit à chaud après avoir découverts le jeu est tellement différent, tellement plus percutant que cette critique me semble fade. En même temps elle a le mérite de clore mon cycle autour de Max Payne 3. Ce jeu reste un mystère pour moi, plus précisément son succès reste un mystère ; est-ce moi qui n’ai pas su comprendre le jeu ? est-ce que la licence est plus forte que la critique ? Est-ce un aveuglement provoqué par l’aura de Rockstar ? Ou est-ce simplement que les joueurs n’ont pas eu envie de voir Max Payne mourir. J’aurai espéré que cette critique témoigne de cette incertitude mais j’en suis incertains - quelle douce ironie -. Quand on a un article en tête depuis un long moment il y a deux possibilité quand on l'accouche, soit on le trouve extra, parfaitement conforme à l'idée que l'on s'en faisait, soit on le trouve nul, loin de ce que l'on espérait, mais dans les deux cas on est soulagé de s'en être "débarrassé". Je suis soulagé

Elle est peut-être là la source de la violence

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