Interstellar, l'art de voyager loin, seul et longtemps

Je suis allé voir Interstellar et ce matin, au réveil, je tenais un truc, un style, un rythme critique intéressant un biais supposait pertinent pour faire entrer le lecteur dans ma tête. Mais je l’ai perdu. C’est bête.

C’est un film de science spatiale. C’est justement ce pourquoi je suis allé le voir, parce que je traverse une phase de mystique des étoiles, porté par une fascination pour les confins de la science, là où l’esprit humain se rend pour voir jusqu’où cela est possible.

Interstellar commence là où Looper se termine ; dans une ferme au milieu des grands espaces américains là où l’on fait pousser le maïs dans une ambiance hantée par l’inquiétante étrangeté de l’être ; Unheimliche dans les champs. C’est quasiment littéral, là où l’un s’arrête l’autre prend place avec une sorte de continuité là où il ne devrait pas en avoir, de la série Z au grand bloque de cinéma d’argent.

Mais nous ne sommes pas venus voir Interstellar pour cela, pour les grands espaces terriens et un sentiment étrangeté, de non-dit. Or le film tisse sur cette trame une introduction - longue - mais captivante ; nous ne savons rien, ou si peu, et plane sur ces plaines une tension captivante. Non, nous sommes venus voir des étoiles et surtout comment Christopher Nolan va se confronter à 2001 ; parce que personne n’est dupe, Interstellar c’est son odyssée pour l’espace.

Un drone vole, ils le capture et la petite Murphy, bluffante d’intensité, demande à son père de laisser le drone en liberté, sous-entendant un rapport aux machines pareils à ce rapport que nous entretenons avec nos animaux, troublant. Plus tard Cooper est confronté à une machine qui parle et j’ai pensé à HAL et, à partir de ce point, j’ai entretenu une méfiance vis-à-vis des machines.

Enfin le film quitte la poussière terrienne et se lance plus haut, plus loin, dans un espace en contrepoint de celui de Gravity. Là où Gravity installait la solitude lisse et éthère d’un cosmos lisse et éthéré, Interstellar fait un choix plus en texture, en élément de matière - réelle - des corps, de l’eau, de la glace et, oh surprise, une forme de retenue formelle chez Nolan. Alors qu’il avait possibilité de laisser aller sa mise en scène à une débauche affranchie de notre paradigme terrestre, il a choisi une forme de minimalisme, de sécheresse, et presque de rigueur, peut-être celle que nécessite l’immersion spatiale.

Et on y croit. La science flirt avec le possible, le plausible et même si Anne Hathaway à une tête à claque et une bouche à pipe on l’oublie rapidement au profit d’un Matthew McConaughey qui installe sa carcasse de grand échalas dans l’écran et dans l’espace. Un corps comme la Terre abandonnée et promise, un corps en jachère et en promesse. Tout y est, plausible et possible et pourtant, le scénario, à mon sens, manque puissance ; est-ce les presque trois heures de film qui en dilue la force ? Encore une fois, possible, plausible, tout y est à juste dose, d’affect et de tension, d’emphase et de force, mais tout y est presque trop scolairement et un esprit vif aura vite fait d’anticiper les remous de ce scénario d’anticipation.

Pourtant c’est vrai, on est pris, emporté, le film tient ses promesses et le spectateur par la main et au travers d’une fresque spatial à la durée et aux distances épiques il garde le regardeur dans une tension intime. Et peut-être que la scène la plus belle, c’est-à-dire la plus violente, c’est la dernière scène qui réunit Murphy et son père. Et de la même manière avec laquelle Murphy - enfant - en une phrase presque anodine et volontairement non soulignée faisait planer sur le film une impression d’étrangeté prégnante, elle a une dernière réplique où elle congédie son père au profit de sa famille - à elle - qui est d’une violence folle, comme si Interstellar avait besoin de congédier ce spectateur qu’il a emporté loin avec lui, une manière de rompre un lien pour rendre le regardeur à la vie civile, naturelle et banale que nous avons ici. Parce qu’avant tout ce film est une question de voyage, de croyance et de naturel, de rationnel, qui semble ne pas l’être mais qui en réalité l’est, possible et plausible. Une façon de produire un mensonge de science et de croyance à la croisée de là où nous sommes tous, entre ignorance et conviction.

Et si tu en doutes, j’ai aimé ce film.

Et si tu en doutes, c’est un très bon film.

Et si tu en doutes, le film se confronte à 2001 et s’en sort avec hommage et distanciation.

Et si tu en doutes, la sobriété de cet espace loin, ce cosmos onirique et des trous noirs est belle.

Je crois qu’il y a longtemps que je n’aimais plus les films de Nolan, ça a changé.

La Terre, dans la terre, au crépuscule d'une fin qui ne dit pas son nom
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Le ciel, l'espace, l'ailleur et au delà la glace et une sollitude blanche
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