J'ai acheté Asura's Wrath il y a quatre jours et j'ai terminé le jeu trois jours après … Trois séances de jeu non intensives plus tard j'ai bouclé Asura's Wrath ce qui ne me laisse même pas le temps de faire un article de première impression. Je suis obligé de rentrer directement dans le vif du sujet et question héros à vif Asura sait de quoi il parle. Autant ne pas tortiller du cul pour le dire Asura's Wrath est un jeu très court : 6 heures de jeu pour en voir la fin et encore ... le jeu est divisé en trois parties chacune elles même divisées en 6 sutras et chaque sutra se boucle en moyenne en une vingtaine de minutes. Mais il faut avoir à l'esprit que ces 20 minutes comprennent les cinématiques, la narration, les QTE, les transitions et bien sûr le game play. Donc grosso modo on droit à 5 minutes de jeu effectif par sutra - je ne l'invente pas à la fin de chaque sutra il y a un tableau qui récapitule le temps de game play - ce qui veut dire qu'en tout et pour tout dans Asura's Wrath on joue concrètement à peine plus d'une heure et demie, certains sutras peuvent se boucler en jouant moins de 50 secondes … il n'y a pas à dire c'est peu, très peu, c'est à la limite de l'indigence pour un jeu digne de ce nom sauf que Asura's Wrath n'est pas un jeu digne de ce nom, ce n'est pas vraiment un jeu même si son nom est digne.

 

est tout le problème, tout la question et je dirais même tout le génie : quelle est la nature vidéo ludique de Asura's Wrath ? Parce que si on considère que c'est un jeu comme un autre avec une durée de vie asthmatique et un game play des plus simplistes alors il faut le dire Asura's Wrath est une daube ; trop court, trop simple et pas assez beau pour sortir du lot. Mais si on considère que ce n'est pas un jeu comme les autres mais plutôt un objet culturel alternatif avec une narration qui s'appuie sur du jeu vidéo alors là mon avis est tout autre. Alors qu'en est-il vraiment ?

 

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Plusieurs choses me font penser que le jeu de Capcom rentre dans la seconde catégorie et en premier lieu le fait que chez Capcom ils ne sont pas assez cons pour foirer à ce point là un jeu ; ils ont quand même une petite expérience du jeu vidéo et je suis sûr qu'ils ne laisseraient pas sortir un jeu aussi éloigné des standards du moment. Mais bien sûr il y a une autre chose qui me fait penser que Asura's Wrath est une expérience de narration avant d'être un jeu vidéo : c'est sa structure narrative et formelle. Comme je vous l'ai dis le jeu est divisé en trois parties elles mêmes divisées en 6 sutras chacune. Si on reste à ce niveau d'observation on pourrait croire que ces sutras représentent simplement les différents niveaux du jeu mais c'est pour ça qu'il faut aller un peu plus loin dans l’analyse de la structure interne d'un sutra. Chaque Sutra est constitué du même enchainement d'élément :

 

  • ça commence toujours sur une cinématique avec un générique qui présente producteur, studio etc.
  • Ensuite une phase de narration, souvent avec un flash back
  • Là on a droit à une petite phase beat'em all
  • Puis un entracte sur un bel écran fixe
  • Enfin on attaque le combat principal qui mêle beat'em all et QTE
  • En toute logique on passe par la victoire puis l’écran qui se fige sur ces mots « to be continued » ou "à suivre" pour les anglophobes
  • On pourrait croire que le sutra s'arrête là mais non on enchaine avec l’écran des scores et la sauvegarde
  • Ensuite on a droit à quelques images fixes avec un petit dialogue qui explicite la narration - à noter que chaque sutra est illustré par un illustrateur différents dont certains proposent des illustrations magnifiques très différentes de la direction artistique aride du jeu lui-même - approfondi ou développe un peu plus l'histoire
  • Et pour finir en apothéose le sutra se termine sur un "résumé" du prochain sutra. Une sorte de spoile ou de teaser de ce que l’on va découvrir dans sutra suivant.

 

A la lumière de cette structure très particulière la nature du jeu Asura's Wrath saute aux yeux. Le jeu est construit sur un model sériel, on est devant un objet vidéo ludique plus proche de la série ou du manga que du jeu vidéo. C'est là le trait de génie de ce jeu !

 

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Oui on joue à Asura’s Wrath comme on consomme un manga, par petites touches, par épisodes avec une addiction progressive. Bien sûr la réussite ou l’échec d’un tel jeu repose sur le fait que l’on adhère à l'esprit du scénario, si tel est le cas alors on adhérera au jeu. Dans le cas contraire il faut passer son chemin très vite et s’éloigner très loin de ce jeu avant de crier au scandale et à l’imposture ce qui à mon sens ne serai pas mérité. Asura's Wrath invente ou réinvente le pulp ou la série b à la sauce manga / jeux vidéo. Les pulps magazines reposaient sur une culture de la violence graphique, des dialogues incisifs et des thèmes populaire comme la SF. C’est ce que l’on retrouve d’une certaines manière dans Asura’s Wrath. La réalisation est plutôt moyenne avec des graphismes en cell shading plutôt daté et des décors très vides à la limite de l’aridité. On a aussi un game play limité au minimum qui alterne des phases de shoot un peu à la façon de Panzer Dragoon et des phases de beat'em all très basique - un coup normal qui sera à enchainer, un coup puissant que l'on ne peut pas enchainer, un saut et la possibilité de tirer ; les principes des combats revient à bastonner pour faire monter la barre de furie et déclencher la furie qui déclenche le QTE final - mais on a surtout une histoire de vengeance sur fond religieux et métaphysique qui est aussi violente et caricaturale que délirante et brutale ; des demis dieux tuent, se battent et tuent encore sans aucun sens de la mesure et de l’éthique. Quand on ramène ces éléments dans le forma court et concis de la série on a à mon sens l’émergence du premier pulp du jeu vidéo. Pour moi les petits climax qui laissent l’histoire en suspend sur le fameux "à suivre" est devenu très addictif. Les phases de game play sont trop courtes pour écœurer de leur médiocrité, la mise en scène de la narration est suffisamment grandiloquente pour scotcher le joueur et l'histoire qui ne lésine pas sur les ficelles grotesques, romantiques et pathétiques est bougrement efficace pour peu que vous soyez adepte d'une certaines forme de science fiction métaphysique. Asura's Wrath n'est pas un dessin animé interactif parce qu'un vrai dessin animé interactif c'est un bon jeu vidéo, Asura's Wrath est plutôt du coté du manga interactif, du pulp post moderne - d'ailleurs rarement un jeu de Capcom n'aura été si post moderne, il télescope des références bouddhistes à des références post Star War avec une naïveté déconcertante -. Le seul véritable défaut de cet objet vidéo ludique non identifiable c'est qu'il soit sorti en version physique. ; le jeu aurai mérité de ne sortir qu'en dématérialisé qui plus est il aurai mérité de sortir au rythme d'un épisode par semaine ou même de X épisode par semaine.

 

Oui Capcom aurai alors pu faire étirer l'histoire sur 50 voir 100 sutras à la manière des mangas à rallonge ; certains d'entre vous aurez alors crié au vole et moi j'aurai crié au génie ! Pour le moment il y a 18 - enfin 19 parce qu'il y a un sutra caché - sutra pour un jeu que j'ai payé 20 euros ça fait donc a peut près 2 euros le sutra, c'est justement le prix des DLC. Mais si Capcom avait voulu jouer le jeu du pulp dématérialisé jusqu'au bout il aurait pu envisager d'en vendre beaucoup plus à un prix beaucoup moins élevé genre 50 centimes l'épisode, avec des réductions pour ceux qui veulent les prendre par pac de 6. Je ne sais pas moi, bordel ce n'était pas dur de faire preuve d'imagination commerciale. Mais si un jeu, je veux dire si un concept méritait de sortir sur ce modèle sériel c’était bien Asura’s Wrath ! Le jeu serait devenu mythique et les développeurs auraient pu s'aventurer à faire des épisodes délirant avec des game play alternatifs. De l’autre coté les scénaristes auraient pu être encore plus généreux même si dans le jeu original cette histoire de demi dieu étalée sur 12000 ans est relativement délirante. La moitié des joueurs j'en suis sûr seraient devenus fous maudissant les développeurs de ne jamais finir le jeu et d’abuser des joueurs en les faisant payer pour chaque nouvel épisode mais en même temps des joueurs auraient adulé les développeurs qui continueraient à faire vivre cette saga mémorable. Mais bon je m’égare …

 

En l'état Asura's Wrath est un ovni, à mi chemin entre la bd de science fiction de série B et le jeu foutage de gueule. Pourtant je reste convaincu que le mélange des deux donne un objet vidéo ludique pas loin d'être génial. Si si génial ! En tout cas moi j'ai pris un pied énorme devant ce jeu. Bien sûr on passe plus de temps à regarder les cinématiques qu'à jouer, bien sûr quand on joue les phases sont souvent répétitives, bien sûr que l'on devine la suite de l'histoire assez facilement, mais pourtant Asura's Wrath fait parti de ces jeux qui ont un petit je ne sais quoi en plus qui fait la différence entre l'échec cuisant et le jeu expérimental réussi. J’aime les jeux honnêtes c'est-à-dire les jeux qui ne reculent pas devant la pression populaire et poursuivent un concept du début à la fin.

 

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Si on excepte le fait que le jeu est vendu en boite avec seulement 19 sutras l'autre défaut du jeu c'est que les deux sutras présentés dans la démo font parti des trois meilleurs sutras du jeu. Donc la démo spoile un peu le plaisir du jeu. Pour moi affronter l'énorme Wizem ce que la démo permet de faire procure un plaisir et une jubilation au-delà du raisonnable. Si comme moi vous avez été biberonné à Dragon Ball Z alors vous saurez apprécier cette scène où l’on combat un ennemi qui se prend pour le soleil. Bref je ne sais pas si je dois vous conseiller ou non de jouer à Asura's Wrath ; sachez juste que moi j'en suis fan et que s’ils font une suite ou si Capcom abreuve le PSN de DLC je vais toutes les faires parce que j'ai envie de retourner dans cet univers. J'ai envie de revivre des nouvelles mises en scène démesurées où des demi-dieux grands comme des hommes sur un scooter de l'espace parent à l'assaut d'un dieu robot autoproclamé plus grand gros comme une planète. C'est ça Asura's Wrath c'est de la démesure absurde, c'est une scène dans un bain où l'on peu mater des nichons en buvant du saké qui s'enchaine avec un combat dans lequel on découpe des continent à grand coup de super pouvoir. Je connais peu de jeux qui assument avec un tel panache le grand WTF de leur contenu, mieux encore Asura's Wrath revendique son coté WTF ; vous imaginez bien avec une histoire qui s'écoule sur 12000 ans il y a quelques ellipses laissant place à des digressions bizarres.

 

Je voulais vous faire un paragraphe sur le fait que le héros, Asura, est souvent dépourvu de ses bras ou alors changé en statue de pierre bref qu’il est souvent paralysé et je voulais en faire une lecture du rapport joueur / impuissance. Je vous ferai peut être cet article un jour mais pas aujourd’hui. Je vais finir cet article avec la première idée que j'ai eu en jouant à Asura's Wrath. Asura's Wrath est aux jeux d'action ce que Final Fantasy XIII est aux RPG ; une proposition expérimentale de narration qui se contre fou de l'implication du joueur dans le game play. Les deux jeux partagent le principe d'imposer aux joueurs l'action, la narration, les lieux, l'ordre des choses en le privant totalement de libre arbitre et ainsi ils posent la question de la destiné et du libre arbitre. En cela les deux principes de jeu sont cohérents avec les thèmes qu'ils abordent. Et comme par hasard j'ai adoré ces deux jeux, peut être parce que ce sont deux jeux radicaux qui ne sacrifient rien aux joueurs et donnent tout aux concepts sur lesquels ils reposent ...

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